Mis à jour le 14 mars 2016

Retour sur le 2e Forum sur le bien-être territorial organisé par le CGDD et l'OFCE ! Deux axes spécifiques ont été approfondis lors de cette journée : la question des inégalités environnementales, et celle de la résilience territoriale.

Le 4 février 2016, le Commissariat Général au Développement Durable (CGDD) et l'Observatoire Français des Conjonctures Économiques (OFCE) organisaient un Forum sur le bien-être territorial en France. Dans la continuité du premier Forum de février 2015, l'ambition de cette journée était double : présenter les derniers travaux de recherche menés sur le bien-être territorial en France, et progresser dans la mise en œuvre effective de ces nouvelles façons de voir le monde territorial en reliant indicateurs et politiques publiques, au service d’un changement de modèle plus durable.

Inégalités environnementales et bien-être territorial

Une inégalité environnementale peut être le simple constat d'une différence ou disparité : ce n'est pas nécessairement une injustice sociale. Elle le devient si le bien-être et les capacités d'une population particulière sont affectés de manière disproportionnée par ses conditions environnementales d'existence (de manière positive : accès aux aménités ou aux ressources naturelles ; ou négative : exposition et sensibilité aux nuisances).

La justice environnementale peut ainsi consister à repérer, mesurer et corriger les inégalités environnementales qui génèrent des inégalités sociales. Elle suppose un arsenal efficace de politiques publiques (incluant des moyens de recherche conséquents), ainsi que l'imbrication de deux thématiques majeures : l’importance des déterminants sociaux de la santé (les inégalités sociales de santé) et leur interaction avec les déterminants environnementaux.

TROIS TYPOLOGIES D'INÉGALITÉS ENVIRONNEMENTALES

Eloi Laurent, économiste à l'OFCE, propose dans son introduction du sujet trois typologies d'inégalités environnementales :

> Selon le fait générateur d'inégalité : exposition et accès ; effets distributifs des politiques publiques ; inégales participation aux politiques publiques…

> Selon le vecteur d'inégalité : pollutions intérieures et extérieures ; pollution du milieu ; inégal accès aux ressources ; exposition / sensibilité aux risques…

> Selon le critère d'inégalité : âge ; niveau socio-économique ; qualité du logement ; quartier ; territoire…

Pour bien définir une inégalité environnementale, il faut donc croiser ces typologies. Ainsi, l’inégalité environnementale que subit un enfant parisien habitant près du périphérique lors d’un pic de pollution aux particules fines est une inégalité d’exposition dont le vecteur est la pollution atmosphérique et les critères sont l’âge, le quartier et le territoire. On peut ainsi croiser défaveur sociale et exposition à des nuisances, le risque climatique, ou la concentration des personnes isolées de plus de 65 ans appréhendés territorialement…

"L'approche par les inégalités environnementales et le questionnement autour du bien-être font apparaître des défis pour définir de nouvelles politiques territoriales qui nécessitent de l'investissement dans la connaissance de ces phénomènes, et en matière de méthode de croisement de données."

C'est le défi que cherchent à relever les chercheurs de l'INERIS dans le cadre du projet PLAINE (PLateforme intégrée pour l’Analyse des INégalités d’Expositions) présenté par Julien Caudeville, qui travaillent sur la modélisation territorialisée des expositions des populations aux pollutions et nuisances, en les croisant avec les données de prévalence territorialisée des maladies chroniques.

De la résilience sociale à la résilience territoriale : quels indicateurs ?

Aborder la question du bien-être territorial de manière dynamique dans une période de profonds défis écologiques économiques et sociaux renvoie à la question de la résilience.

Celle-ci peut se définir comme la capacité des sociétés à supporter collectivement des chocs sans se désintégrer et à apprendre d'eux, afin de pouvoir atténuer les chocs à venir. Cette approche est pertinente au niveau territorial, car chaque territoire à des spécificités (physiques, démographiques, spécialisations économiques…) et des capacités de réponse hétérogènes. Il s'agit donc de considérer deux axes :

- la vulnérabilité du territoire (exposition et sensibilité)

- la capacité de réactivité territoriales (capacité d'apprentissage collectif, densité des relations sociales…)

LES TRAVAUX EN NORD-PAS DE CALAIS

C'est ce sur quoi travaille la Région Nord-Pas-de-Calais - Picardie, dans la continuité de ses travaux sur les indicateurs de développement humain, pour construire des indicateurs de résilience territoriale. Grégory Marlier a présenté l'état de ces travaux initiés par l'ex-Région Nord-Pas-de-Calais. Ces travaux documentent les vulnérabilités économiques des territoires (impacts de la crise sur l'économie productive des territoires ; impacts du « choc d'austérité » pour les territoires…), les disparités territoriales des vulnérabilités socio-économiques des populations à partir des Indicateurs de Développement Humain (IDH, IDH4, ISS de la jeunesse…), des vulnérabilités démographiques (vieillissement de la population, migrations) et des vulnérabilités environnementales (exposition au risque climatique, vulnérabilité énergétique des ménages…). Ils identifient les capacités de résilience des territoires et les leviers d'action, notamment publics, qui renforcent ces capacités.

Deux ressources pour aller plus loin sur ces travaux régionaux :

- « Vers une région Nord-Pas-de-Calais résiliente en 2040. Enjeux régionaux et premières modélisation », Note D2PE n°57, juin 2015 ;

- « Vers une région Nord-Pas-de-Calais résiliente en 2040 », Synthèse de l'atelier de prospective régionale du 24 juin 2015, par Marie Decima, Cerdd.

La résilience : politique stratégique d'anticipation territoriale

Dans sa mise en perspective finale, le philosophe Patrick Viveret a noté que si "la résilience doit être une politique, il faut que celle-ci puisse penser l'articulation entre résilience et bien-être territorial", le « buen vivir », et donc disposer d'une définition plus ambitieuse et positive de la résilience, autour des notions de rebond, de créativité, comme capacité de reconstruction du corps politique et social qui s'adapte à son nouvel environnement. Il souligne également la hauteur des défis à affronter alors que « l'hypothèse de l'effondrement systémique de la civilisation thermo-industrielle est de plus en plus documentée » (Cf. les travaux récents de Pablo Servigne et Raphaël Stevens. La question de la résilience doit se poser à cette aune-là ! Ce qui renvoie à la question de la responsabilité de l’État pour anticiper, et dans sa capacité à articuler les stratégies territoriales de résilience.

Retour sur le 1er Forum du 20 février 2015

L'initiative d'organiser un premier colloque scientifique sur le bien-être territorial a été prise par le Bureau des Territoires du CGDD, à la suite de ses travaux sur la cohésion sociale et le développement durable dans les Agendas 21 locaux. Une convergence d'intérêts entre la question du bien-être comme point d'entrée de la définition des besoins localement via des démarches de concertation (approche SPIRAL du Conseil de l'Europe), et la question de l'égalité des territoires, objet d'un rapport coordonné par Éloi Laurent de l'OFCE pour la Ministre de l’Égalité des Territoires et du Logement en février 2013.

Centré sur la question de la mesure du bien-être territorial comme problème et comme levier d'action le colloque a notamment bénéficié de deux présentations d'initiatives régionales autour des nouveaux indicateurs de richesse :

- « Le Programme Indicateurs 21 au service d'une nouvelle vision du développement régional en NPDC : Conception et usages », par Pierre-Jean Lorens (Région Nord-Pas-de-Calais) ;

- « La construction collective du bien-être territorial en Pays de la Loire », démarche animée par Hélène Combe de la Fuente Martinez, présentée par Célina Whitaker du Collectif FAIR (Forum pour d'Autres Indicateurs de Richesse).

Ce colloque a fait l'objet d'une double valorisation :

- Un dossier spécifique de la Revue de l'OFCE : « Mesurer le bien-être et la soutenabilité » (n°145, février 2016), reprenant les communications des chercheurs. (Voir également la présentation vidéo de ce numéro de la Revue de l'OFCE par Eloi Laurent)

- Les actes du colloque : « Le bien-être territorial en France : de la mesure à l'action, pour une société plus durable », édités par le CGDD (études & documents n°137, janvier 2016), reprenant les initiatives territoriales.
Ces actes s'ouvrent par un hommage en mémoire d'Hélène Combe de la Fuente Martinez, défricheuse innovante du développement humain durable des territoires, dont l'état de santé, déjà précaire début 2015, n'avait pas permis qu'elle soit présente à ce colloque largement inspiré de ses travaux et convictions.

Le programme, les supports d'intervention et les vidéos sont disponibles sur le site du Ministère de l'environnement de l'énergie et de la mer.

 

Rédaction : Antoine Goxe, Chargé de mission Territoires et DD, Cerdd

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