Mis à jour le 27 avril 2021

Depuis presque quarante-cinq ans, Bio en Hauts de France (GABNOR et Bio Picardie) œuvre pour la conversion d'exploitations régionales à l'agriculture biologique. A l'heure où ces efforts portent leurs fruits, il mise sur la qualité du dialogue et de la coopération entre producteurs, transformateurs, distributeurs et territoires.

Simon Hallez (Bertrand Verfaillie)
Simon Hallez © Bertrand Verfaillie

"La vocation de Bio en Hauts de France, c'est le changement d'échelle de l'agriculture biologique régionale", expose Simon Hallez, codirecteur et responsable Filières & Territoires dudit groupement des agriculteurs biologiques. Mais, il y a un mais : cette croissance ne saurait être que "qualitative". Pas question d'édulcorer le modèle économique fondateur de l'agriculture biologique ou de sacrifier à la logique dominante du rapport volume/prix, coupé de toute autre considération. Pas question non plus d'affadir et banaliser les relations entre les acteurs du secteur, nouveaux ou anciens.
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epuis le début de ce siècle, la consommation de produits bio connaît tous les ans une progression à deux chiffres. Depuis 2014, dans le Nord - Pas de Calais, le nombre d'exploitations agricoles bio est passé de 290 à 420. Bio en Hauts de France accompagne ce mouvement en posant des balises : éviter la concentration des intervenants et des outils de transformation, encourager la diversité des exploitations et la complémentarité des productions, combattre toute "déterritorialisation".

Une association "viandes bio"

"Dans cette optique, l'économie de la fonctionnalité est une de nos sources d'inspiration", indique Simon Hallez. Le codirecteur a animé ces derniers mois un groupe de travail sur la question : "Quelles coopérations nouvelles entre agriculteurs, territoires et entreprises de l'agro-alimentaire ?". Une illustration de ce changement des postures existe depuis 2014 dans la région : c'est l'association "Viandes bio Nord - Pas de Calais - Picardie". Elle s'est constituée, avec l'appui actif de Bio en Hauts de France, autour de trois axes : l'ancrage territorial, la transparence sur les prix et les marges, la solidarité entre l'amont et l'aval de la production. Autant de conditions pour la création d'une filière équitable de viandes bio, rassemblant les éleveurs, les fabricants d'aliments pour animaux, les chevilleurs et les distributeurs, grands et petits. "Un pôle de coopération économique qui organise une régulation collective de l'offre et de la demande", résume Simon Hallez.

La betterave en filière ?

Fin 2016, le Gabnor a lancé une réflexion sur le montage d'une filière économique de valorisation de la betterave à sucre. Cette culture est l'une des seules qui ne fasse pas encore l'objet d'une valorisation biologique. Dans les Hauts-de-France, quelque 10 000 agriculteurs consacrent tout ou partie de leurs surfaces à la précieuse racine. Et ceux qui veulent se convertir à la bio sont obligés de laisser de côté, voire de remplacer, cette production à laquelle ils sont en général très attachés. Les sucreries sont si grandes (en moyenne, elles transforment 16 000 tonnes de racines par jour) qu'il faudrait d'un coup convertir des centaines d'hectares en bio pour y être admis. Après une enquête menée auprès de consommateurs et d'industriels, est apparue l'idée d'une unité de transformation nouvelle, de petite taille, qui pourrait produire du sucre roux (le blanc a une mauvaise image auprès des clients de la bio) à partir de betteraves régionales. Il faut donc repenser l'outil et le processus de transformation. "Comme l'a démontré une étude de l'INRA, rappelle Simon Hallez, les résistances à la création d'une filière ne viennent pas d'abord des agriculteurs mais d'un verrouillage technologique autour d'un processus standard considéré comme inamovible".

Champs de betteraves
Champs de betteraves © D.R

Renouer des liens directs

Parmi les distributeurs, beaucoup ont compris qu'il fallait rompre avec certaines erreurs du passé, poursuit le codirecteur. Exemple : dans la lignée d'un travail entrepris par la Fédération nationale de l'agriculture biologique (FNAB), plusieurs cadres de Picard, la chaîne de magasins d'aliments et de plats surgelés, ont demandé à suivre une formation animée par la FNAB et Bio en Hauts de France. Au menu : comment assurer une diversité d'origine des approvisionnements, comment introduire un peu de souplesse quant aux calibres ou aux variétés des produits, comment encourager une solidarité entre producteurs et distributeurs via une contractualisation innovante... En somme : comment renouer un lien direct avec les agriculteurs. Bio en Hauts de France, qui œuvre beaucoup pour la conversion des agriculteurs, estime qu'il doit aujourd'hui se porter au service d'autres intervenants économiques, notamment les acheteurs de produits, afin que leurs pratiques professionnelles s'adaptent aux caractéristiques des productions bio.

Les élus dans le coup

Le Groupement milite aussi pour l'implication des territoires, traditionnellement absents des démarches de filières (si l'on excepte les labels de type appellations d'origine). "Ils peuvent être les moteurs d'initiatives alternatives, attirer des entrepreneurs, réserver des zones d'activité à la bio, expose Simon Hallez. Ils peuvent être aussi animateurs et médiateurs, créateurs de liens". Souvent cependant, les élus manquent de contacts avec les agriculteurs. Certains se demandent s'ils ont les compétences techniques pour les interpeller. De même, une distance s'instaure avec les entreprises agro-alimentaires de grande taille, perçues comme des abstractions. Bio en Hauts de France peut répondre à ce besoin de "dialogue territorial" à travers des formations, des réunions collectives et même des "diagnostics de sensibilité". Ce dernier outil, basé sur la collecte de la parole des agriculteurs d'un territoire (80 % de réponses en moyenne), permet d'établir un portrait sociologique des intéressés et de les "situer" par rapport à la perspective de changement, du refus de la bio à la conversion, en passant les différentes étapes de prise de conscience.

Gabnor champs formation
Formation Gabnor © Gabnor
Dans les champs... captants

Ce dialogue territorial peut se nouer autour de différents sujets. La protection de la ressource en eau en est un. Depuis 2006, le Bio en Hauts de France travaille à la promotion de l'agriculture biologique sur les "champs captants" de nappes phréatiques. De 2012 à 2015 par exemple, il est intervenu, au côté de la Chambre d'agriculture de région et du service des eaux de Berck-sur-Mer (Pas-de-Calais), sur la zone de captage d'eau d'Airon-Saint-Vaast : 2 840 ha, dont 2 136 ha de surface agricole, partagés entre 45 exploitations, légumières pour la plupart. Un bassin plutôt défavorable à l'agriculture biologique, de par la nature des sols, le type de productions et l'intérêt porté par les agriculteurs à ce sujet. Malgré ce contexte, les échanges entre les parties ont permis d'avancer vers la conversion groupée de plusieurs fermes. L'opération ne s'est finalement pas concrétisée au moment prévu, mais un des agriculteurs poursuit une expérimentation à visée agronomique, sur l'adaptation des terres sableuses du littoral à des cultures biologiques. "Il y a un millier de plans de protection de l'eau potable en France et presque tous sont identiques, note Simon Hallez. Or, l'efficacité des mesures dépend de leur adéquation aux situations locales".

Un réseau de collectivités engagées

L'élaboration d'un plan local d'urbanisme est une autre occasion de créer du dialogue, pour peu que des premiers germes de sensibilisation aient été semés auparavant. Dans la Communauté de communes du Pays Solesmois, autour de Solesmes (Nord), les élus se sont mis à l'écoute des agriculteurs, y compris par le biais de permanences. Le diagnostic du PLU a été abondamment nourri de l'expression des professionnels de terrain. Aujourd'hui, la collectivité a lancé un plan de développement de la bio. Elle a rejoint les six autres territoires du Nord - Pas de Calais engagés dans un même plan d'action, qui ont constitué un réseau d'échanges de pratiques, animé par Bio en Hauts de France.

Fiche d'identité

Porteur du projet : Bio en Hauts de France (GABNOR et Bio Picardie), ZI Le Paradis, 59133 Phalempin

Territoire : Hauts-de-France

Création : 1973

Nombre de salariés : 11

Budget : non communiqué

Vocation : représentation du réseau, accompagnement d'agriculteurs conventionnels vers la conversion, accompagnement d'acteurs agricoles et de collectivités territoriales, pérennisation et développement de l'agriculture biologique.

Actions évoquées dans la fiche : dialogue territorial, création de filières.

Partenaires : Région Hauts-de-France, Agence de l'eau, collectivités locales, entreprises de l'agro-alimentaire, organisations agricoles.

Ressources : https://www.bio-hautsdefrance.org/

Contact

Chargé de projets filières et territoires : Simon Hallez - T : 03 20 32 25 35
Courriel : simon.hallez@gabnor.org

    Objectifs de développement durable

  • 12. Consommation et production responsables
  • 15. Vie terrestre
  • 17. Partenariats pour la réalisation des objectifs

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