Mis à jour le 14 décembre 2021

Pour faire face à une problématique de coulées de boues, la commune d’Erchin, située dans le Douaisis, a mis en place une politique de gestion durable et intégrée des eaux pluviales, en prenant en compte la contrainte rurale et urbaine et en menant une dynamique de concertation approfondie.

À Erchin, les terres agricoles représentent 90 % de la superficie du village, et les habitations du bourg, situées le long de la D132 et des rues adjacentes, les 10 % restants.

Aussi vallonné que plat, Erchin forme un vaste bassin versant en forme d’amphithéâtre ; les Monts d’Erchin et ceux de deux communes limitrophes, Villers-au-Tertre et Bugnicourt, sont disposés en arc de cercle autour des maisons du bourg constituant la scène en contrebas.

Géographie du ruissellement

Jusque dans les années 2000, cette géographie – de fortes pentes agricoles tournées vers un bassin urbanisé – ne pose aucun problème. Mais la multiplication et l’intensification des orages de printemps, liées au changement climatique, provoquent des coulées de boues des champs pentus jusque dans les caves des habitations en contrebas, qui se retrouvent inondées.

Réunis en «  Association de défense contre les coulées de boues », les riverain·es pointent nerveusement du doigt les terres agricoles nues accélérant l’écoulement des boues vers leurs habitations... C’est dans ce contexte de fortes tensions que les différents partenaires se mettent dès 2005 autour d’une table à palabres et concertation pour tenter de trouver des solutions.

Analyse de l’action

Le chiffon brûle entre les parties prenantes : les participant·es se rejettent les responsabilités les uns sur les autres et territoires rural et urbain se tournent le dos…

La compétence « hydraulique » de Douaisis Agglo permet cependant d’ouvrir un dialogue constructif. Jean-Jacques Hérin, directeur du Service Eau et Assainissement de la Communauté d'Agglomération du Douaisis, est chargé du dossier « Erchin » avec pour mission d’allier les oppositions pour trouver la ou les solutions techniques.

Une dynamique de concertation hors norme

Également président de l’ADOPTA, Jean-Jacques Hérin va animer une concertation hors norme par sa durée et le nombre d’acteurs impliqués.

Douaisis Agglo, les trois communes du bassin versant, l’Association de défense contre les coulées de boues, le Département du Nord, les agriculteur·ices, la Chambre d’Agriculture, la DDTM, les différent·es élu·es du territoire ; les acteurs présents autour de la table sont tous mus par la volonté d’avancer concrètement malgré leurs contraintes et différends.

Cela prendra cinq années au terme desquelles une convention multipartite d’engagement moral, responsabilisant les partenaires dans la durée et dans la complémentarité, sera signée.

« Comme on ne construit pas sur du sable, explique Jean-Jacques Hérin, il faut donc accepter que chacun exprime ses revendications avant d’arriver sur un terrain d’entente stable et solide. Entendre le besoin de parler de chacun, laisser s’exprimer les émotions et désaccords des un·es et des autres est la première chose à laquelle s’atteler, avant de pouvoir commencer à trouver les ressources et envisager les possibles. »

Reconnaître, comprendre et accepter

Cette première phase essentielle de la concertation – exprimer les griefs, évacuer les tensions – s’est déroulée sur une année entière, à raison d’une réunion bimestrielle en présence de toutes les parties.

« Le ou les animateurs doivent pouvoir assumer cette concertation, d’abord en identifiant un maximum d’acteurs concernés, tâche ardue mais nécessaire, et en veillant à ne stigmatiser personne, rappelle Jean-Jacques Hérin. Dans le cas d’Erchin, aux riverains accusateurs il a fallu rappeler que l’eau ne connaît pas les frontières. Après l’expression des désaccords, faire reconnaître la responsabilité de chacun, la comprendre et l’accepter est un autre préalable pour pouvoir travailler ensemble dans le même sens au règlement du problème. »

Une fois les tourments apaisés et la reconnaissance mutuelle acquise, l’expertise technique d’un bureau d’études a permis de mettre en œuvre plusieurs solutions pour gérer les inondations selon deux grands principes :

  • retenir l’eau pour éviter le ruissellement
  • disperser l’eau pour diviser les flux résiduels

Territoires agricole et urbain main dans la main

Le schéma de la fiche de cas d’Erchin éditée par l’ADOPTA présente de façon claire et détaillée les différents aménagements. Tous ont été réalisés dans un esprit de complémentarité et d’interdépendance entre espace agricole et espace urbain, et certains sont réellement multifonctionnels :

  • création d’un bassin d’infiltration supplémentaire juste en amont du bourg ;
  • création de puits d’infiltration reprenant des bouches d’égout déconnectées et soulageant la station d’épuration ;
  • rehaussement des chemins agricoles de 35 à 70 cm, ce qui permet de stocker l’eau dans les champs et combattre en même temps l’érosion des terres arables ;
  • revêtements poreux et tranchée drainante dans deux lotissements réhabilités;
  • plantation de haies pour faciliter l’infiltration et contribuer au développement de la biodiversité ;
  • aménagement de toiture végétalisée et parking en dalles de gazons avec pavés poreux sur le site de la mairie et de la salle polyvalente ;
  • création de redents dans les fossés le long de la D132 pour ralentir les écoulements et infiltrer les eaux pluviales ;
  • pose de structures alvéolaires ultra-légères sous parking.

Erchin 2
Parmi les aménagements réalisés, la création de redents dans les fossés. © DR

Aujourd’hui, 30% des surfaces imperméabilisées publiques à Erchin sont déconnectées du réseau d’assainissement.

Les agriculteur·ices ont souhaité adopter de nouvelles pratiques culturales : création de diguettes dans les champs pour retenir l’eau et irriguer en même temps les champs de pommes de terre, assolement important, couverture systématique des sols en hiver et au printemps pour retenir l’eau et enrichir la terre, participation à l’entretien des chemins ruraux…

Parallèlement et pour conforter ces actions, une politique pluviale inscrite au PLU, proscrit le rejet des eaux de pluie dans le réseau public pour toute constructions privative neuve, y compris les maisons individuelles.

Résultats de l’action

La concertation, qui aura en tout duré cinq ans, a abouti à la signature d’une convention multipartite d’engagement moral. Celle-ci responsabilise tous les partenaires (acteurs privés, communes, communauté d’agglo, département…) et les rôles pour la mise en œuvre et l’entretien des aménagements réalisés sont répartis en fonction de la domanialité.

« Le temps est une clé maîtresse pour la réussite d’une concertation, rappelle l’animateur de la concertation. Du temps pour le diagnostic, pour l’écoute, la co-construction des objectifs et des solutions, la recherche des financements et la réalisation des travaux. »

Jean-Jacques Hérin rappelle qu’une vision globale et une posture « méta » sont des impératifs pour contourner l’obstacle d’une gestion administrative de l’assainissement scindée en plusieurs structures et compétences, face au flux des eaux pluviales interpénétrant les territoires, qu’ils soient ruraux ou urbains.

Répartir l’eau pour mieux drainer

L’expérience prouve maintenant que les solutions correctives en un seul point ne sont pas adaptées à la problématique de gestion du ruissellement qui ne connaît pas de frontières.

La répartition des flux et des forces de l’eau en différents points du territoire s’avère donc plus facile à gérer, plus efficace et moins coûteuse. Une vision globale, et des solutions multifonctionnelles permettent donc de répondre au mieux aux différents enjeux posés par les eaux pluviales dans un contexte de changement climatique.

L’acceptabilité par les propriétaires des aménagements à réaliser sur leurs terrains reste aussi un obstacle à prendre en compte dans le temps et le déroulé de la concertation. Mais il arrive aussi que les réfractaires deviennent les plus fervent·es ambassadeur·ices. à l’instar de cet agriculteur qui, ayant compris son intérêt propre, a mis en œuvre de lui-même des solutions complémentaires de gestion des eaux pluviales sur ses terres.

À Erchin, la mosaïque des caractéristiques topographiques, du double aspect agricole et urbain, des intérêts privés et publics s’est finalement rassemblée autour d’un objectif commun – la meilleure adaptation possible aux conséquences du changement climatique sur un territoire particulier – pour créer une solution plurielle dans ses aménagements ;collective et partagée dans sa responsabilité et sa gestion.

À l’avenir, les terres agricoles et les zones urbanisées seront en mesure de drainer et absorber les  fortes pluies de printemps. Erchin est aujourd’hui un modèle d’inspiration pour tous les acteurs concernés par la problématique de la gestion durable et intégrée des eaux pluviales.

En quoi cette initiative est bonne pour l’adaptation aux changements climatiques ?

Le changement climatique bouleverse le cycle des précipitations, et les épisodes de fortes pluies se font de plus en plus fréquents et de plus en plus intenses sur notre territoire. Les aménagements de gestion des eaux pluviales actuels ne sont pas toujours bien dimensionnés pour répondre aux enjeux nouveaux liés au changement climatique, et combinés à l’artificialisation des terres ou aux grandes cultures agricoles nues, les risques de ruissellement, d’érosion et d’inondations se font de plus en plus grands.

Les aménagements de gestion durable et intégrée des eaux pluviales contribuent à limiter les dégâts causés par les fortes pluies. L’exemple d’Erchin démontre que le temps long d’une concertation, multipartite, co-construite et complémentaire entre les différents acteurs et territoires urbain et agricole débouche sur des solutions efficaces, moins coûteuses et plus durables.

Fiche d'identité

Titre de l’opération : Une gestion globale des eaux pluviales à Erchin

Lieu/Echelle de l’action : intercommunautaire

Identification du porteur de projet : Commune d’Erchin

Contact : Jean-Jacques Hérin, Président d’ADOPTA, 120 rue Gustave Eiffel – 59500 Douai. Tél : 03 27 94 12 41 Site internet : www.adopta.fr

Partenaires : Douaisis Agglo, ADOPTA

Financement : Agence de l’Eau Artois-Picardie (pour la partie déconnexion sur le volet urbain), coût des travaux 440 000 € HT (2009) et aide du Département du Nord de 143 000 € HT pour la partie rurale ; coût des travaux 250 000 € HT (2010 à 2017) pour la partie urbaine.

Date de l’opération : 2005

Bénéficiaires/cibles de l’action : riverains et agriculteurs d’Erchin

Documents de référence disponibles : Association ADOPTA

Le projet en bref

Titre de l’opération : Une gestion globale des eaux pluviales à Erchin

Lieu/échelle de l’action : intercommunautaire

Identification du porteur de projet : Commune d’Erchin

Partenaires : Douaisis Agglo, ADOPTA

Financement : Agence de l’Eau Artois-Picardie (pour la partie déconnexion sur le volet urbain), coût des travaux 440 000 € HT (2009), et aide du Département du Nord de 143 000 € HT pour la partie rurale ; coût des travaux 250 000 € HT (2010 à 2017) pour la partie urbaine.

Date de l’opération : 2005

Bénéficiaires/cibles de l’action : riverains et agriculteurs d’Erchin

Documents de référence disponibles : Association ADOPTA

    Objectifs de développement durable

  • 11. Villes et communautés durables
  • 6. Eau propre et assainissement

Contact

Jean-Jacques Hérin, Président d’ADOPTA, 120 rue Gustave Eiffel – 59500 Douai. Tél : 03 27 94 12 41 Site internet : www.adopta.fr

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