Mis à jour le 5 décembre 2016

Petit fils de maraîcher, Hugues Dewalle, éleveur laitier et producteur de fromages, n’est pas à proprement parler issu du monde agricole. Il a pourtant, solidement ancré, un certain bon sens paysan : pourquoi dépenser trop quand on peut faire mieux avec moins ? Depuis un an, le foin qui nourrit ses vaches n’est plus emballé dans des ballots de plastique mais séché et stocké selon un système écologique qui permet d’améliorer la qualité de ses fromages, de dépenser moins et de réduire ses émissions de CO2.

CONTEXTE et descriptif de l'action

Sous le soleil du début de l’été 2014, les 23 vaches rouges flamandes et normandes de Hugues Dewalle paissent tranquillement au pré sans se soucier de ce qu’elles mangeront cet hiver. L’éleveur lui a déjà mis de côté la première coupe de ses12 hectares de prairies. Mais plutôt que d’emballer le foin dans des ballots de plastique comme c’est l’usage, pour la deuxième année, l’herbe a été ramassée puis répartie dans deux grands silos de séchage. « Ce système a deux avantages majeurs, explique Hugues Dewalle. D’abord, il améliore la qualité du foin stocké et donc des produits. Avec le stockage en ballot sous film plastique, il y a toujours un risque de moisissures du fait de la mauvaise régulation de l’humidité. A l’arrivée, cela peut donner des germes dans le lait que l’on retrouve dans les fromages que l’on doit alors jeter. Avec cette solution de séchage, ce risque n’existe plus. Ensuite, c’est un système écologique qui consomme peu et qui est bien adapté au climat de notre région. »

ANALYSE DE LA DÉMARCHE

Utiliser les calories solaires pour sécher le foin

Ce système de séchage a été développé dans les régions où les épisodes pluvieux obligent à récolter le foin et à le stocker le plus vite possible. C’est le cas dans les Alpes où Hugues Dewalle a découvert cette solution mise au point par les paysans confrontés aux orages fréquents en fin de journée. Mais à la différence du Nord-Pas de Calais, les vallées alpines bénéficient d’un air plus sec et un simple système de ventilation suffit.

A Villers-au-Tertre, le système a donc été adapté. Capté plein sud, l’air chemine à travers la double toiture du hangar ossature bois qui abrite les silos à foin et l’étable. De couleur sombre, la toiture capte les calories solaires, qui, même par faible ensoleillement, viennent réchauffer l’air. Grâce à un ventilateur et à un système de caillebotis (plancher à claire-voie) au fond des silos, cet air est soufflé sous le foin qui sèche ainsi en l’espace de 3 à 4 jours pour être consommé tout l’hiver.

Le choix d’un modèle

L’investissement total pour la mise en œuvre de cette solution avoisine 165 000 € HT, avec un surcoût environnemental de 62 470 € HT dont 40 % ont été pris en charge au titre de son exemplarité par l’ADEME et le conseil régional Nord-Pas de Calais. Certes en se passant des ballots plastique, Hugues économise près de 1750 € par an mais ce n’est pas ce pur raisonnement économique qui emporté sa décision. L’investissement a été rendu possible parce qu’il s’inscrit dans une logique d’exploitation, une logique écosystémique : « Avec mes 23 vaches, si je ne faisais que vendre du lait, explique Hugues Dewalle, c’est sûr que l’investissement ne serait pas rentable. Il me faudrait au moins 40 bêtes. Je m’en sors parce que je produis des fromages et des produits laitiers que je les commercialise en vente directe. » Autre source de revenus de l’exploitation, l’élevage de porc qui s’articule avec la production laitière : le petit lait non utilisé, complété avec des céréales, permet de nourrir 12 porcs dont Hugues vend la viande notamment sous forme de charcuterie, toujours en vente directe. Dans cet écosystème tourné vers l’efficacité écologique, l’objectif est que rien ne se perde.

Le goût du défi et de l’innovation

C’est donc moins la question du profit que celle du défi et de l’innovation environnementale qui ont poussé Hugues Dewalle à opter pour des solutions écologiques. Attentif à ses pratiques culturales dès l’origine de la ferme, il y a 15 ans, il écarte d’emblée la solution conventionnelle maïs-ensilage et complément en protéines sous forme de soja importé pour nourrir ses bêtes. En 2010, lorsqu’il convertit toute l’exploitation en bio, il a déjà en tête d’abandonner les ballots plastique pour stocker le foin. « Passer sa vie avec des vaches, c’est bien mais moi j’ai besoin de défi, de challenge. Certains rêvent de reprendre le champ du voisin pour agrandir l’exploitation, moi c’est l’excellence écologique qui me motive. J’ai envie de montrer que loin d’être une contrainte, l’écologie est un avantage. »

L’herbe coupée et stockée avant la montée en graine contient le maximum de nutriments. L’an dernier, les quatre coupes ont permis à Hugues de ne pas acheter des céréales pour compléter l’alimentation de ses animaux, tout en garantissant la qualité du lait et partant, de ses fromages. Dans la même logique, la majeure partie de l’eau chaude de l’atelier de transformation est chauffée par capteurs solaires et plusieurs panneaux photovoltaïques produisent de l’électricité dont la revente constitue un complément de revenu non négligeable.

Encore un effort

La rançon du challenger reste une certaine solitude. Hugues Dewalle confie qu’il faut vraiment de la motivation et de l’investissement personnel pour chercher les informations, trouver les formations disponibles, rencontrer les bons interlocuteurs, monter les dossiers de subvention et savoir les défendre. « C’est un vrai travail de planification et de coordination. Il faut caler le bon timing et ne pas se tromper dans les achats. » Au regard de ce qu’il a observé lors de son stage de formation au sein de l’association Segrafo, en Normandie, l’éleveur trouve que les pouvoirs publics et les organismes consulaires du Nord-Pas de Calais pourraient mieux faire en matière d’accès à l’information et à la formation, mais aussi en matière d’accompagnement.

Car un jour, pointe-t-il, le changement d’échelle pourrait bien s’imposer : « la politique agricole commune évolue, les subventions à la production de maïs baissent, la production d’herbe comme aliment est maintenant aussi soutenue et un jour, le prix du soja atteindra peut-être des niveaux impossibles » Ce jour-là, Hugues Dewalle sera prêt à partager son expérience vers une plus grande autonomie alimentaire et des exploitations plus sobres en énergie et en carbone.

Ce qu'il faut retenir

Cette opération favorise l’émergence d’une production et d’une consommation responsable en région. Un projet innovant du secteur agricole vers plus de développement durable et pour la biodiversité ! Il participe aussi à la dynamique énergétique portée par le SCOT du Grand Douaisis dans le cadre de son plan climat.

FICHE D'IDENTITÉ

Lieu/échelle d'intervention

Villers-au-Tertre (Douaisis)

Identification du porteur de projet

La Ferme Du Tertre

Partenaires

Partenaires : ADEME et Conseil régional Nord-Pas de Calais

Indicateurs de moyens et de résultats

Indicateurs :

  • Bilan développement durable :
    • T eq CO2 émise/an (source : bureau d’étude Yann Charrier) :
      • Système de séchage écologique : 0,50 tonne eq CO2/an
      • Système de séchage fuel : 16,41 tonnes eq CO2/an
    • Coût total système de stockage ballot plastique par an (calcul Chambre d’agriculture 2013) : 4 830 € HT
    • Coût total système de séchage écologique par an (calcul Chambre d’agriculture 2013) : 1 740 € HT
  • Montant de l’opération : Bâtiment : 165 000 € HT dont : Entrée d’air, isolation toiture, gaines : 15 720 € HT - Grue et ventilateur : 44 500 € HT - Etude de dimensionnement : 2 250 € HT
  • Financement FRAMEE : 40% de l’investissement spécifique séchage écologique, soit 24 988 €
  • Financement Conseil régional : auto-chargeuse, fonds démarche qualité 7 200 €

Période de réalisation

  • Durée de l’opération : 24 mois
  • Date de l’opération : 2012
  • Étapes :
    • 2010  : Premières réflexions autour du projet
    • 2011  : Stage de formation, association Segrafo (Normandie)
    • 2012  : Début de la construction du hangar
    • 2013 : Installation du système de séchage
    • 2013 : En juin, début d’exploitation.

Bénéficiaires / cibles de l'action

Les agriculteurs.

Documents de référence disponibles

 

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