Mis à jour le 28 juillet 2016

Rencontre avec Jean-Luc Kropfinger, directeur marketing et développement de Nutripack.

Analyse de l'initiative

Le fabricant et distributeur d’emballages alimentaires Nutripack a organisé une filière de récupération et de recyclage pour ses barquettes en polypropylène. Après s’être assuré que cette fin de vie est celle qui pèse le moins sur l’environnement et que cette filière de recyclage n’existait pas déjà ailleurs.

A la cantine, on a beau finir son assiette, on remplit quand même la poubelle. Les barquettes à usage unique, qui ont remplacé les bacs inox dans la majorité des sociétés de restauration et des cuisines centrales, sont jetées aussitôt après avoir été transvasées dans les assiettes. Elles sont, suivant les communes et les régions, incinérées (44%) ou enfouies (56%). Si l’emballage jetable est pratique, économique et offre des conditions d’hygiène optimales, il produit néanmoins des déchets.

En avance sur le Plan déchets

Depuis plusieurs années, le fabricant de barquettes alimentaires plastiques Nutripack est invité par les marchés publics à améliorer le bilan écologique de ses produits. Il a travaillé sur leur éco-conception pour réduire l’emballage : en 6 ans, l’une de ses barquettes phares a perdu 18 % de son poids, passant de 95 à 78 g. Il s’est aussi intéressé dès 2008 à la fin de vie des 8 000 tonnes de barquettes qu’il produit chaque année. Le Grenelle l’a soutenu en assénant un coup de pied à la montagne de déchets. "Le Plan déchets 2009-2012 présenté par Chantal Jouanno oblige les entreprises à réduire les volumes, recycler plus, trier plus notamment les déchets organiques, taxe l’incinération et la mise en décharge", rappelle Jean-Luc Kropfinger, directeur marketing et développement de Nutripack. "Pour autant nous n’étions pas encore certains qu’il était préférable pour l’environnement de recycler nos emballages plastiques plutôt que de les incinérer et en récupérer l’énergie. Le polypropylène a un pouvoir calorifique quasiment équivalent à celui du fioul", explique le directeur marketing.

Trois fois moins de gaz à effet de serre que l’incinération

Pour être sûre de son choix du recyclage, l’entreprise a réalisé avec la société Ecoeff et la participation de l’Ademe et du Framée une étude environnementale sur les emballages barquettes en faisant varier le traitement de fin de vie : recyclage, valorisation énergétique ou mise en décharge. Les résultats sont sans appel. Le recyclage des barquettes produit trois fois moins de gaz à effet de serre que l’incinération avec valorisation énergétique et deux fois moins que la mise en décharge. Il permet d’économiser 132g de CO2 par barquette. Autrement dit, une tonne de barquettes recyclées équivaut à une économie de 2,9 tonnes de CO2. Autre indicateur : le recyclage participe deux fois moins à l’eutrophisation des cours d’eau que l’incinération et la mise en décharge.

Et les filières alternatives ?

Pourquoi ne pas avoir raccroché une filière de recyclage du polypropylène existante ? "Parce qu’il n’en existe pas en France. Pour des raisons sanitaires, explique M. Kropfinger, les barquettes avec des restes alimentaires sont incinérées ou mises en décharge". Pourrait-on envisager le retour au bac inox réutilisable ? Etude à l’appui, on apprend que l’utilisation du bac inox est non seulement plus onéreuse mais aussi plus impactante pour l’environnement que le recyclage, notamment à cause de l’augmentation du poids transportés (+33%) et des lavages successifs. Les bacs doivent en effet être lavés deux fois : au départ de la cantine et à son retour en cuisine centrale.

Et pourquoi ne pas opter pour des barquettes biodégradables ? Les bioplastiques sont fabriqués essentiellement en acide polylactic (PLA) à base d’amidon de maïs. Elles coûtent en moyenne 2,5 fois le prix d’une barquette traditionnelle en polypropylène et ne résistent pas à la remise en température. Par ailleurs, il n’existe aucun centre de compostage en France acceptant de composter des barquettes bioplastiques : il faudrait réunir des conditions de température et d’hygrométrie difficiles à obtenir ; il est en plus malaisé de voir la différence entre une barquette biodégradable et un barquette polymère qui viendrait polluer le compost. De la même manière, il n’est pas envisageable de les méthaniser avec les restes alimentaires, car le plastique végétal produit peu de méthane et encombre les déchèteries et les méthaniseurs. Conclusion : les barquettes en bioplastiques ne peuvent pour l’heure qu’être incinérées ou mises en décharge.

Le fonctionnement de la filière de recyclage

Le département recherche et développement de l’entreprise a donc entrepris de développer la filière par lui-même. Il a investi dans la fabrication d’un bac de transport spécifique et réutilisable, qui sert pour la livraison au client et la collecte des barquettes usagées, dans une ligne composée d’un broyeur et une unité de lavage des bacs. La ligne est opérationnelle depuis 2009. Une partie de l’opération se déroule chez le client, en cuisine : le personnel passe les barquettes dans sa machine à vaisselle classique, pour les débarrasser des corps gras, les sèche à l’air libre puis les entrepose dans des caisses de collecte dans l’attente de leur collecte par Nutripack. La matière collectée est broyée chez Nutripack puis réinjectée à plus de 230°C dans des bacs de transport ou vendue à de plasturgistes fabricant des produits sans contact alimentaire (pots de fleur, piquets horticoles…).

Sur les 8 000 tonnes de matière première utilisée chaque année, 2 ont été récupérées et recyclées en 2010 et plus de 200 devraient l’être en 2011. A terme, l’entreprise vise 600 t/an de plastiques collectés et réutilisés.

Un système qui optimise les transports

Les dimensions des caisses de collecte (333x695 mm) permettent d’optimiser l’espace sur une palette standard. La quantité de barquettes, pleines ou vides, transportée à la palette est ainsi identique voire meilleure qu’avec un emballage carton traditionnel. Le poids par kilomètre transporte est ainsi considérablement réduit, tout comme le nombre de déplacements. Tout cela pèse favorablement sur le bilan environnemental de la filière de recyclage.

Laver avant de jeter

Si le recyclage ne coûte pas un euro aux clients et n’a aucune répercussion sur le prix du repas, néanmoins il impose quelques contraintes. Les offices de cuisine doivent s’organiser différemment pour laver les barquettes, les faire sécher et les stocker. Pour 150 élèves, c’est douze à treize lavages en machine. L’opération demande un effort au client, mais lui rapporte une économie puisque Nutripack rachète les barquettes au poids (250 € la tonne) ou les échange contre des cagettes de stockage et de transport. Une façon originale de valoriser ses déchets d’activité.

Mais il n’est pas question de faire n’importe quoi si l’on veut recevoir la prime. Dans les entrepôts de Nutripack, deux palettes de barquettes polluées de déchets végétaux attendent la destruction : le personnel d’une cantine municipale les a stockés en extérieur. L’établissement de recevra pas son chèque, mais bientôt un courrier de mise en garde. Il arrive aussi que les sociétés de restauration laissent du film d’operculage sur les barquettes ce qui rend le recyclage impossible sur la ligne de Nutripack car le film est composé de matériaux différents, incompatibles avec le polypropylène. La filière fonctionne donc à condition de bien contrôler et respecter chacune de ses étapes.

Alors pour éviter les mauvaises surprises, l’entreprise multiplie les outils pédagogiques – plaquettes et guides – et les interventions auprès des personnels de cantine pour expliquer les bons gestes à pratiquer et les aider à s’organiser. Et s’ils doivent encore être convaincus, peut-être seront-ils sensibles au réinvestissement des recettes générées : "elles pourraient servir à l’acquisition d’un matériel spécifique pour assurer la logistique et le réchauffage en office des potages. Les enfants les apprécient, mais ils sont rarement proposés car difficiles à travailler en cuisine et à remettre en température".

Fiche d’identité

Etude de faisabilité et acquisition d’une ligne de recyclage des barquettes alimentaires en polypropylène

  • Contact : Jean-Luc Kropfinger, directeur marketing et développement de Nutripack au 03 27 99 16 26
  • Date de l’opération : mi-2009
  • Durée de l’opération : 18 mois
  • Montant de l’opération : 317 050 €HT
  • Financement FRAMEE : 50 % soit 34 820 EUR
  • Nom de la structure Nutripack

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