Mis à jour le 7 mars 2023

Dans le cadre du Labo "Mises en récit(s) : on ne se raconte pas d'histoires, on les vit !" organisé à Villeneuve-d'Ascq le 24 novembre 2022 par le Cerdd et la Fabrique des transitions, Baptiste Gapenne, fondateur de Territoires Audacieux, a animé un atelier sur la manière dont les médias participent à l’édification des nouveaux récits. Au programme : journalisme de solutions, transitions et neutralité journalistique.

Voilà une question qui a fait couler beaucoup d’encre. Ou du moins qui suscite de réelles oppositions au sein de certaines rédactions : comment relater avec justesse le changement climatique et ses impacts sur nos vies ? Pour Baptiste Gapenne, fondateur de Territoires audacieux, la problématique est au cœur de la profession.

Pour lui, les médias doivent jouer un rôle dans le récit de la transition écologique car ils sont en lien direct avec les lecteur·rices, les habitant·es et globalement celles et ceux qui disposent du pouvoir d’agir. Cette vision s’inscrit dans un type particulier de journalisme : le journalisme de solutions. Celui-ci permet de faire émerger l'envie d'agir chez les citoyen·nes. La vision de personnes engagées déclenche chez les autres individus une motivation similaire. Plusieurs études le montrent comme celle-ci, évoquée par Territoires Audacieux : Le Pouvoir du journalisme de solutions

Labo Mise en récits : 3 questions à Baptiste Gapenne, Territoires Audacieux

Durée: 03:24

Ne pas tomber dans la propagande 

Pourtant, le journalisme de solutions peut être soumis à des problématiques qui remettent en question la déontologie du métier. En effet, la frontière entre le journalisme et la communication est mince. Pour éviter de la franchir, Baptiste Gapenne utilise quatre critères inaliénables lors de la rédaction de ses articles. Ils sont issus d’un travail réalisé par l’organisme indépendant Solutions Journalism Network pour définir ce qu’est un article lié au journalisme de solutions. 

Le premier de ces critères : s’écarter du culte du héros. En effet, l’objectif n’est pas de mettre en valeur la personne qui opère la transition, mais plutôt son action et la solution proposée. Le second critère est centré sur l’efficacité, plutôt que sur les intentions. Objectif : se focaliser sur les preuves plus que les idées à développer. Le troisième point repose sur la remise en question des solutions présentées. En présenter les limites et les défauts pour ne pas entrer dans de la « propagande ». Enfin, le quatrième critère repose sur la capacité du ou de la journaliste à ouvrir le sujet à d’autres prismes de réflexion. L’objectif étant d’inciter le plus grand nombre à s’inspirer de pratiques nouvelles dans le but de modifier son “cadre de pensée” afin de réussir la transition écologique. 

“Ce sont des critères que l’on peut tout à fait utiliser lorsque l’on crée des livrables entrant dans une stratégie de mise en récits car ils permettent d’éviter les pièges de la propagande ou du superflu”, souligne Baptiste Gapenne. Ces critères ont d’ailleurs de nombreux points communs avec les piliers d’une mise en récits complète évoqués le matin de l’évènement lors de la plénière d’ouverture. En respectant ces quatre piliers, il est possible d’éviter certains pièges de la mise en récit comme le fait de glisser vers le superflu ou de tomber dans la propagande.

« Traiter le sujet climat de manière plus transversale »

Baptiste Gapenne Labo mise en récits

Il est important que le monde du journalisme et des médias s’implique dans cette transition et suivent ce processus. « Les médias ont beaucoup à faire, et cela passe en partie par la formation », juge Baptiste Gapenne. En renouvelant leurs méthodes d’apprentissage et en les sensibilisant à la question, les futur·es journalistes s’intéresseront de manière systémique aux enjeux environnementaux. « C’est essentiel, d’autant plus que les médias ont la pression des citoyen·nes qui voient que le monde change ». Et pour y arriver, certains s’engagent. 

Cet été par exemple, une charte a été signée par de nombreux médias pour les inciter à s’engager. TF1, comme de nombreux autres, a notamment répondu à l’appel. Il faudra désormais dépasser les bonnes intentions pour s’inscrire dans la durée sur des faits. Le texte propose de petits gestes comme “ne plus illustrer la canicule par des images de personnes à la plage”, ou des engagements plus importants comme “traiter le climat de manière plus transversale” ou “enquêter sur les origines des bouleversements en cours”. 

Un débat avec les participants a permis de conclure l’atelier. Plusieurs personnes se sont exprimées sur leur frustration de ne pas voir les médias suffisamment “engagés”. Mais est-ce leur rôle ? Un étudiant en journalisme a notamment soulevé cette question : y a-t-il des journalistes “conscients” et d’autres “non” ? Selon lui, “il ne faudrait pas se mettre à classer les “bons” et les “mauvais” journalistes avec en toile de fond la question de l’objectivité journalistique.” Baptiste Gapenne reconnaît que le débat existe régulièrement entre journalistes. “Je préfère la notion de neutralité à celle de l’objectivité, a-t-il souligné. Ce qui est certain, c’est que le journalisme de solutions, en donnant la parole à ceux qui osent et expérimentent, participe à construire de nouvelles perspectives. Cela ne va pas toujours dans le sens du récit dominant mais c’est aussi le rôle d’un journaliste d’être à contre-courant.”

Article rédigé par Gilles Farina - étudiant en journalisme à l'Institut de Journalisme Tous Médias (IJTM) dans le cadre d’un groupe accompagné par Territoires-audacieux.fr - novembre 2022

 

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