Cette rencontre du Club des élu·es PAT a été l’occasion d’une table ronde réunissant :
- Maurice Leconte, vice-président de la Communauté d’Agglomération Béthune Bruay Artois Lys Romane (CABBALR)
- Benoît Thilliez, agriculteur, membre d’un GAEC et vice-président de la Safer Hauts-de-France
- Anne-Marie Royal, administratrice de Terre de Liens Hauts-de-France
- Côme Rojas, doctorant au Clersé
Principales contributions des intervenant·es
Anne-Marie Royal (Terre de Liens) rappelle la nécessité de distinguer les enjeux liés à la propriété foncière de ceux relatifs à l’usage des terres. Elle souligne que, malgré une capacité de production suffisante pour nourrir la population régionale, les choix économiques passés ont privilégié l’exportation. Avec seulement 2 % de la SAU détenue par des acteurs publics, les marges d’action collective demeurent limitées.
Benoît Thilliez (Safer précise que la gouvernance de la Safer repose sur un conseil d’administration réunissant des représentant·es de divers horizons. La Safer n’a cependant de visibilité que sur 10 % des transactions foncières, la majorité se réalisant entre agriculteur·rices. Ses missions prioritaires demeurent la préservation de la vocation nourricière des terres et l’accompagnement des installations.
Anne-Marie Royal souligne par ailleurs l’intérêt croissant des porteurs de projets : en 2024, Terre de Liens a accompagné 90 demandes, appuyées par 866 000 € de financements citoyens. La question centrale reste toutefois la libération du foncier, qui nécessite une implication accrue des collectivités, notamment pour faciliter les transmissions.
Le rôle des collectivités locales
Selon Maurice Leconte (CABBALR) , le système foncier demeure peu transparent. Sur le territoire de la CABBALR, 90 % de la production est exportée en filières longues, et une proportion équivalente de produits alimentaires y est importée. Un tiers des agriculteur·rices partiront à la retraite dans les dix prochaines années, sans que l’agglomération dispose d’un état des lieux suffisamment détaillé pour anticiper ces évolutions. Des outils d’inventaire foncier sont actuellement en cours de déploiement.
La Safer indique disposer des compétences nécessaires pour accompagner les collectivités dans ces diagnostics, comme en témoigne l’exemple de la Métropole européenne de Lille (MEL) .
Terre de Liens évoque également la possibilité de mobiliser des micro-parcelles communales, de requalifier des friches en terres agricoles ou de développer des espaces test pour expérimenter des cultures à forte valeur ajoutée.
Structuration économique et alimentaire des territoires
Les intervenant·es insistent sur la nécessité de renforcer la viabilité économique des installations agricoles. Les collectivités souhaitent favoriser l’approvisionnement local, notamment en produits biologiques, mais la demande excède largement l’offre disponible. La création de légumeries apparaît comme un levier structurant pour relocaliser une partie des filières et répondre aux besoins des établissements scolaires.
Selon Terre de Liens, il est également essentiel de revaloriser le rôle économique de l’agriculture, notamment en comparant l’emploi généré à l’hectare par l’activité agricole à celui des zones logistiques.
Évolutions du secteur agricole et perspectives
Pour Benoît Thilliez, les jeunes agriculteur·rices portent aujourd’hui des projets plus diversifiés et davantage tournés vers les circuits courts, l’agroécologie ou la vente directe. L’évolution est notable par rapport aux enseignements reçus par les générations précédentes.
Des projets structurants – à l’image de celui conduit dans la MEL – illustrent le rôle déterminant de l’impulsion politique pour favoriser des changements de pratiques.
Parmi les enjeux majeurs :
- près de 39 % de la SAU régionale devraient changer d’exploitant·es d’ici 2030 ;
- le manque de prairies fragilise les filières d’élevage ;
- l’offre foncière reste limitée par rapport au nombre de candidat·es ;
- la sous-location agricole complique les transmissions ;
- le vieillissement des propriétaires interroge la gestion future du foncier.
Conclusion
Les perspectives de transition vers une agriculture durable reposent sur la capacité à assurer la viabilité économique des exploitations, tout en les inscrivant dans un projet territorial cohérent. Si le foncier constitue un levier stratégique, de nombreux freins subsistent : disponibilité limitée, outils publics insuffisamment adaptés, difficultés de transmission et filières encore peu structurées. Une action coordonnée entre collectivités, acteurs agricoles et société civile apparaît indispensable pour lever ces obstacles.