Le foncier au service de la mise en oeuvre des PAT, retour sur le Club des élus PAT du 3 juin 2025

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  • Mise à jour le December 4, 2025
  • Création le December 2, 2025

Le 3 juin 2025 s’est tenue la deuxième journée du Club des élu·es PAT des Hauts-de-France organisée par le Cerdd et la DRAAF Hauts-de-France. Ce temps fort a réuni une trentaine de personnes élu·es et collaborateur·ices venues à Béthune depuis les différents départements de la région pour partager des informations et des pratiques sur la délicate question foncière.

La protection des terres agricoles est un levier pour accompagner le renforcement des productions locales qui servent les besoins du territoire. Dans les textes adoptés par les instances démocratiques françaises, une partie de la Surface agricole utile (SAU) est appelée à se transformer pour aider à tenir le cap des enjeux stratégiques du pays, dont celui d’une alimentation durable garante de la souveraineté alimentaire.

Pour rappel, la Stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat (SNANC) appelle, entre autres, à  « promouvoir la souveraineté alimentaire en renforçant l’autonomie des systèmes alimentaires, l’ancrage territorial et associer les collectivités territoriales en s’appuyant sur les PAT ».

Côme Rojas, doctorant en économie au Clersé – Université de Lille, conduit une thèse portant sur la propriété foncière et les dynamiques agricoles dans les Hauts-de-France. Il a présenté, lors de la rencontre du Club des élu·es, une analyse comparative du foncier agricole à l’échelle européenne, nationale et régionale.

Caractéristiques générales et tensions sur le foncier agricole

Le foncier agricole remplit de multiples fonctions : patrimoine agraire, ressource productive, support des interactions agri-urbaines et base nourricière des territoires. Depuis une dizaine d’années, les pressions qui s’exercent sur cette ressource – telles que l’accaparement des terres, la financiarisation ou encore l’intensification des conflits fonciers – sont de plus en plus visibles.

Bien que la France figure parmi les pays européens où le foncier agricole demeure le moins coûteux, les Hauts-de-France se distinguent par leur proximité avec la Belgique et les Pays-Bas, où les prix du foncier sont deux à cinq fois plus élevés.

Limites des outils publics de régulation

Les principaux instruments de la politique foncière française – statut du fermage, interventions des Sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (Safer), contrôle des structures – peinent aujourd’hui à enrayer la tendance à la concentration foncière et à l’agrandissement des exploitations, au détriment du modèle historique de la ferme familiale.

La très forte spécialisation des terres en grandes cultures, la part importante des exportations et l’intégration poussée dans le modèle agro-industriel contribuent à faire des Hauts-de-France la première région agroalimentaire française en valeur ajoutée.

Parallèlement, la montée des formes sociétaires marque une évolution structurelle : entre 2010 et 2020, la part des exploitations individuelles est passée de 69,7 % à 58,3 %.

Club élu·es PAT, un temps de rencontre et d'échanges
Club élu·es PAT, un temps de rencontre et d'échanges © Cerdd

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Situation du foncier agricole - focus sur les Hauts-de-France par Côme Rojas

Côme Rojas, doctorant en économie au Clersé – Université de Lille a présenté une analyse comparative du foncier agricole à l’échelle européenne, nationale et régionale.

Cette rencontre du Club des élu·es PAT a été l’occasion d’une table ronde réunissant :

  • Maurice Leconte, vice-président de la Communauté d’Agglomération Béthune Bruay Artois Lys Romane (CABBALR)
  • Benoît Thilliez, agriculteur, membre d’un GAEC et vice-président de la Safer Hauts-de-France
  • Anne-Marie Royal, administratrice de Terre de Liens Hauts-de-France
  • Côme Rojas, doctorant au Clersé

Principales contributions des intervenant·es

Anne-Marie Royal (Terre de Liens) rappelle la nécessité de distinguer les enjeux liés à la propriété foncière de ceux relatifs à l’usage des terres. Elle souligne que, malgré une capacité de production suffisante pour nourrir la population régionale, les choix économiques passés ont privilégié l’exportation. Avec seulement 2 % de la SAU détenue par des acteurs publics, les marges d’action collective demeurent limitées.

Benoît Thilliez (Safer précise que la gouvernance de la Safer repose sur un conseil d’administration réunissant des représentant·es de divers horizons. La Safer n’a cependant de visibilité que sur 10 % des transactions foncières, la majorité se réalisant entre agriculteur·rices. Ses missions prioritaires demeurent la préservation de la vocation nourricière des terres et l’accompagnement des installations.

Anne-Marie Royal souligne par ailleurs l’intérêt croissant des porteurs de projets : en 2024, Terre de Liens a accompagné 90 demandes, appuyées par 866 000 € de financements citoyens. La question centrale reste toutefois la libération du foncier, qui nécessite une implication accrue des collectivités, notamment pour faciliter les transmissions.

Le rôle des collectivités locales

Selon Maurice Leconte (CABBALR) , le système foncier demeure peu transparent. Sur le territoire de la CABBALR, 90 % de la production est exportée en filières longues, et une proportion équivalente de produits alimentaires y est importée. Un tiers des agriculteur·rices partiront à la retraite dans les dix prochaines années, sans que l’agglomération dispose d’un état des lieux suffisamment détaillé pour anticiper ces évolutions. Des outils d’inventaire foncier sont actuellement en cours de déploiement.

La Safer indique disposer des compétences nécessaires pour accompagner les collectivités dans ces diagnostics, comme en témoigne l’exemple de la Métropole européenne de Lille (MEL) .

Terre de Liens évoque également la possibilité de mobiliser des micro-parcelles communales, de requalifier des friches en terres agricoles ou de développer des espaces test pour expérimenter des cultures à forte valeur ajoutée.

Structuration économique et alimentaire des territoires

Les intervenant·es insistent sur la nécessité de renforcer la viabilité économique des installations agricoles. Les collectivités souhaitent favoriser l’approvisionnement local, notamment en produits biologiques, mais la demande excède largement l’offre disponible. La création de légumeries apparaît comme un levier structurant pour relocaliser une partie des filières et répondre aux besoins des établissements scolaires.

Selon Terre de Liens, il est également essentiel de revaloriser le rôle économique de l’agriculture, notamment en comparant l’emploi généré à l’hectare par l’activité agricole à celui des zones logistiques.

Évolutions du secteur agricole et perspectives

Pour Benoît Thilliez, les jeunes agriculteur·rices portent aujourd’hui des projets plus diversifiés et davantage tournés vers les circuits courts, l’agroécologie ou la vente directe. L’évolution est notable par rapport aux enseignements reçus par les générations précédentes.

Des projets structurants – à l’image de celui conduit dans la MEL – illustrent le rôle déterminant de l’impulsion politique pour favoriser des changements de pratiques.

Parmi les enjeux majeurs :

  • près de 39 % de la SAU régionale devraient changer d’exploitant·es d’ici 2030 ;
  • le manque de prairies fragilise les filières d’élevage ;
  • l’offre foncière reste limitée par rapport au nombre de candidat·es ;
  • la sous-location agricole complique les transmissions ;
  • le vieillissement des propriétaires interroge la gestion future du foncier.

Conclusion

Les perspectives de transition vers une agriculture durable reposent sur la capacité à assurer la viabilité économique des exploitations, tout en les inscrivant dans un projet territorial cohérent. Si le foncier constitue un levier stratégique, de nombreux freins subsistent : disponibilité limitée, outils publics insuffisamment adaptés, difficultés de transmission et filières encore peu structurées. Une action coordonnée entre collectivités, acteurs agricoles et société civile apparaît indispensable pour lever ces obstacles.

Table ronde Côme Rojas, Maurice Leconte, Anne-PMarie Royal, Benoît Thilliez
Table ronde avec Côme Rojas, Maurice Leconte, Anne-Marie Royal, Benoît Thilliez © Cerdd

Le Passage à Niveaux, un tiers lieu nourricier à Béthune (le passage à niveaux)

Bruno Lajara, directeur de l’Envol, a présenté le projet de ce lieu innovant Centre d’art et de transformation sociale, et comment l’alimentation de qualité rassemble les habitant·es du quartier, les jeunes des Classes Départ et du dispositif Grand EcArt.

 

Atelier : Comment une stratégie foncière agricole peut accompagner les ambitions de mon PAT ?

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Débat mouvant : enjeux, légitimité, rôles

Quelles actions sur le foncier peuvent servir les enjeux de mon PAT ?

Quels outils à notre disposition ?

Terre de Liens Hauts de France a publié en 2025 un « Etat des lieux des terres agricoles en Hauts-de-France

En s’appuyant sur ces données descriptives, Terre de Liens a développé un outillage d’animation collective pour aider à la compréhension et offrir des pistes d’actions.

Terre de Liens

RECOLTE, recueil d’initiatives foncières

SAFER Hauts-de-France

 

PARCEL, pour une alimentation résiliente, citoyenne et locale

PAIT, S’installer et transmettre en agriculture

Observatoire Hauts-de-France du renouvellement des generations

 

Identification du document

  • Auteur: Cerdd
  • Date de publication : December 2025

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