Mis à jour le 6 décembre 2016

Rencontre avec Jacques Blarel, conseiller à la Chambre d’agriculture de région, référent de la démarche ClimAgri.

Analyse de l'initiative

Un nouvel outil pour cultiver de bonnes résolutions en matière d’énergie et de gaz à effet de serre : c’est la démarche ClimAgri, qui passe de l’expérimentation à la généralisation dans notre région.

Avec un agriculteur, on peut toujours parler du temps qu’il fait. Mais évoquer le climat, aborder la question des bouleversements météorologiques, est nettement moins facile. On sait que l’agriculture en France pèse pour 2 à 3 % des consommations d’énergie directes ; et pour 7 à 8 % des consommations indirectes, entrant dans la fabrication des aliments pour le bétail ou des engrais. Par ailleurs, 20 % des gaz à effet de serre émis par notre pays proviennent du secteur agricole. Mais des discours caricaturaux ont exacerbé la sensibilité des éleveurs et des cultivateurs. Chargé des questions d’énergie à la Chambre d’agriculture du Nord – Pas de Calais, Jacques Blarel a plus d’une fois éprouvé la difficulté : comment avancer sur le sujet sans stigmatiser quiconque ? "C’était d’autant plus délicat que nous ne disposions pas de chiffres suffisamment précis pour asseoir nos recommandations."

Le technicien a donc considéré avec intérêt l’initiative prise par l’Ademe en 2009. Proposition lui était faite, comme à dix autres interlocuteurs spécialisés en France, de tester un nouvel outil d’analyse des consommations d’énergie et des rejets atmosphériques, dénommé ClimAgri. Après avoir suivi une formation à cette démarche, Jacques Blarel a commencé à la décliner dans le Pays du Cambrésis, choisi conjointement par l’Ademe et la Région Nord–Pas de Calais, parce qu’il était sur le point de boucler son plan climat territorial. Un comité de pilotage a été composé autour d’élus locaux, de représentants des administrations concernées, de la Région et du Département du Nord, des organismes professionnels de l’agriculture, de diverses associations, avec une chargée de mission du Pays et celui de la Chambre.

Une enquête fouillée

Une fois l’accord de toutes ces parties scellé sur les objectifs, les deux techniciens animateurs se sont mis en quête des données nécessaires pour faire tourner le logiciel ClimAgri. Et ils sont entrés dans les détails : effectifs, production et quantité de concentrés alimentaires par espèces animales, pour l’élevage ; surfaces, rendements et tonnages d’intrants par cultures, du côté des productions végétales. A quoi s’ajoutent des chiffres sur les surfaces boisées et sur les prairies, qui jouent un rôle dans le stockage de carbone. Jacques Blarel s’est beaucoup appuyé sur le GEDA (groupement d’étude et de développement agricole), sorte de centre local de ressources, dépendant de la Chambre. Mais il est allé aussi interroger les négociants des coopératives pour cerner leur activité sur le terrain. La même méthode est aujourd’hui appliquée dans les Pays de la Lys Romane (autour de Lillers), du Grand Douaisis, du Ternois et rapportée à la région dans son ensemble (la "ferme Nord – Pas de Calais"). "Ni trop grande, ni trop petite, l’échelle du Pays évite aussi le risque de focaliser l’étude sur une filière", note Jacques Blarel.

Traduire les chiffres en gains

Quand la matière est réunie et que les premiers résultats se dégagent, les animateurs de la démarche constituent un sous-groupe invité à préparer des scénarios opérationnels. "Il est important de traduire au plus vite les chiffres en gains économiques et techniques potentiels pour les agriculteurs". Dans le Cambrésis, la procédure ClimAgri s’est étalée sur dix-huit mois ; le bilan définitif a été établi fin 2011. Les quelque mille céréaliers, polycultivateurs et éleveurs du Pays représentent environ 7,5 % des exploitants agricoles du Nord – Pas de Calais. Ils consomment annuellement 12 kilos tonnes Equivalent Pétrole de fioul, électricité et gaz (15 % du total régional) et 18 kTEP en énergie indirecte (8 % du total régional). Ils émettent 112 000 tonnes de protoxyde d’azote, 102 000 tonnes de méthane et 80 000 tonnes de CO2 par an, soit 8 %, 5,5 % et 6,7 % des rejets de l’agriculture régionale.

"En deux graphiques, la réalité des liens entre l’activité agricole et les impacts sur le climat apparaît crûment, note Jacques Blarel. Mais nous y joignons des pistes d’action mises en situation, c’est-à-dire adaptées aux particularités de la zone, et chiffrées". Dans le Cambrésis, un premier accent a été porté, en janvier, sur la consommation de fuel, à travers une opération "banc d’essai", permettant de régler les moteurs des tracteurs ; quarante cultivateurs ont répondu favorablement à la proposition, qui sera renouvelée fin 2012. Toujours sous la bannière de ClimAgri, une démonstration de bon usage des machines dans les champs sera organisée en septembre prochain ; on y traitera de la pression des pneus comme du mode de conduite des engins.

Travailler des hypothèses

Plus tard, en lien avec la fédération régionale des coopératives d’utilisateurs de matériel agricole, des éleveurs laitiers pourront bénéficier du même type d’informations. Un récupérateur de chaleur placé sur un tank à lait peut réduire de 15 % la facture d’énergie d’un atelier de production ; un dispositif de refroidissement du lait avant stockage offre aussi de substantiels avantages. Des dossiers de ce type ont déjà été montés, pour financement, dans le cadre du PPE (Plan de performance énergétique) ; si la moitié des ateliers du Cambrésis étaient équipés dans 20 ans, cela pourrait alléger d’autant la pression sur le climat… D’autres projets portant sur l’isolation de salles de traite, l’installation d’une chaudière biomasse ou l’équipement de ventilation d’un poulailler par échange thermique sont inscrits dans le PPE.

Les apports d’azote sont une autre cible. "Il s’agit d’optimiser l’usage en gardant les mêmes rendements, pose Jacques Blarel. La profession n’est pas assurée de satisfaire à l’objectif de moins 15 % en 2020 inscrit dans le schéma régional Climat, Air, Energie (SRCAE). Mais il faut tester des hypothèses, comme le développement des légumineuses qui fixent mieux l’azote dans le sol". S’agissant de l’alimentation du bétail enfin, le territoire expérimental du Cambrésis, ainsi que les trois autres Pays étudiés aujourd’hui, pourraient réduire leurs importations de tourteaux de soja en recourant à des tourteaux d’un colza produit et traité localement.

"Je suis persuadé que tout agriculteur a des marges de progrès dans ces domaines, déclare Jacques Blarel. Il faut prendre ClimAgri comme une aide. L’un de ses mérites est de marquer le chemin déjà parcouru. Ensuite elle donne la mesure de l’effort qui reste à réaliser mais elle ouvre aussi des perspectives concrètes".

Fiche d’identité

Une loupe pour voir loin : la démarche Clim’Agri

  • Contact : Jacques Blarel, Chambre d’agriculture au 03 21 60 48 56 ou sur jacques.blarel@agriculture-npdc.fr
  • Date de lancement de l’opération : Expérimentée dans le Pays du Cambrésis entre 2009 et 2011. Mise en œuvre aujourd’hui dans les Pays de la Lys Romane, du Grand Douaisis et du Ternois et sur l’entité Nord- Pas de Calais en tant que telle.
  • Financement FRAMEE : à hauteur de 70 % du travail du technicien référent
  • Nom de la structure Chambre d’Agriculture

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