Mis à jour le 4 mars 2022

Un MIN, structure d’économie mixte, est un outil et un lieu physique, étudié et organisé pour faire se rencontrer l’offre et la demande de produits agricoles et alimentaires frais pour l’approvisionnement des villes. Le MIN de Lomme concerne essentiellement les fruits et légumes dont une part importante provient du Nord-Pas de Calais. Interview d’Isabelle Cambier, directrice adjointe du MIN de Lomme.

UNE ÉCOUTE ATTENTIVE DES BESOINS POUR UN PROJET ÉCONOMIQUE ADAPTÉ

Le MIN : ses bénéficiaires, sa spécificité

On trouve sur le MIN des produits vendus sur les marchés de plein-vent ou chez des primeurs, pour une consommation assez immédiate, des produits destinés à la restauration, produits de niche qui vont faire la différence entre les restaurants. La relation qui se construit autour de la vente amène le grossiste, qui connaît son bassin de production, ses producteurs, à présenter les produits, leur histoire, leurs qualités. Les primeurs, les commerçants de détail, les restaurateurs pourront transmettre à leur tour ces informations à une clientèle en demande. Cette pédagogie, unique en son genre, est permise par le maillage des acteurs tout au long de la filière.

MIN de Lomme

© SOGEMIN

Une diversité de projets sur un mode collaboratif…

UNITÉ DE TRANSFORMATION DE LÉGUMES : LA LÉGUMERIE

Pourquoi ce projet ?

De nombreux acheteurs publics que nous rencontrons ont des difficultés à pouvoir cuisiner des produits de qualité, notamment dans les cantines, car ils subissent trop de contraintes budgétaires. De plus, par manque de temps et d’espace pour travailler les produits bruts, de nombreuses cuisines collectives ont recours à des gammes d’aliments déjà en partie préparés. L’idée que nous avons eue consiste alors à acheter des produits pour les transformer et les livrer aux cantines. Il s’agit donc d’un projet de création d’une unité de production, mais qui vise à privilégier la main-d’oeuvre plutôt que l’installation de machines. Nous avons pris des contacts avec une entreprise d’insertion. L’idée étant au final d’élargir la prestation que nous pouvons proposer à nos clients.

Vous avez pensé à une forme d’organisation particulière ?

Nous avons pensé à une SCIC (Société Coopérative d’Intérêt Collectif)1 car nous sommes sur un projet à la fois économique et social, au sein duquel certaines collectivités territoriales pourraient s’impliquer.

Quelle sera la capacité de production de cette légumerie ?

10 tonnes de produits sortis par jour. Pour les cantines scolaires mais à destination également d’autres clients publics ou privés (restaurants).

Comptez-vous privilégier les productions locales pour l’approvisionnement ?

Nous allons privilégier les producteurs locaux, mais nous allons devoir nous assurer que la demande ira également dans ce sens.

Et allez-vous favoriser le bio ?

Nous avons visité une légumerie dans laquelle il y avait du conventionnel et du bio. Les deux peuvent cohabiter au sein du même outil de transformation.

GIE* PROJET LOGISTIQUE

Pourquoi un projet de logistique ?

Il s’agit ici d’une réflexion sur la distribution depuis le MIN vers les centres-villes. Ces derniers sont de plus en plus engorgés et nous voulons réduire notre part de cet engorgement. Nous avons donc engagé une réflexion avec Ports de Lille pour utiliser des transports doux ou favoriser les mutualisations afin de livrer les produits frais en provenance du MIN. Pour cela, nous comptons nous appuyer sur un outil de géolocalisation pour bien identifier le tracé des livraisons de façon à optimiser le remplissage ainsi que le circuit des transporteurs.

En France, La Rochelle et Strasbourg ont des centres-villes presque intégralement piétons et sans camion. À l’avenir, il nous semble nécessaire d’aller dans ce sens. C’est pourquoi, nous menons des réflexions pour anticiper la problématique de livraison et d’évacuation des commerces et restaurants de centre-ville. Ces derniers n’ont pas beaucoup de place et pourraient être intéressés par un service leur permettant de se débarrasser de certains déchets. Deux propositions sont évoquées et expérimentées : La logistique inverse : le camion de livraison joue également le rôle d’enlèvement de déchets. Le stock déporté : Le commerçant, qui dispose souvent d’une surface restreinte de stockage, peut externaliser ses stocks, en tout ou partie et être rapidement réapprovisionné.

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© SOGEMIN

LA CUISINE FRAICH’ ATTITUDE

Création en 2014 d’une cuisine d’application accueillant ateliers et formations en plein cœur du MIN

Pourquoi développer un projet de cuisine ?

Nous avons plusieurs objectifs : d’un côté la découverte des métiers de la cuisine, dans une perspective de formation et d’accès à l’emploi, de l’autre l’éducation au goût. Nous faisons des ateliers à la carte pour répondre aux attentes spécifiques des différents publics. Nous avons des relations avec le CCAS (Centre Communal d’Action Sociale) de Lomme, les scolaires, des structures d’insertion, Pôle Emploi et des personnes qui viennent pour monter en qualification. Avec chacun de ces partenaires nous avons construit des relations autour de leurs objets spécifiques pour répondre avec la cuisine à leurs attentes et aux besoins de leurs publics. Cela veut dire que nous sommes parfois plus tournés vers les questions de découverte des métiers et, à d’autres moments, vers les aspects d’éducation au goût et de lien à la santé. Nous aidons les personnes à acheter des produits frais afin d’éviter qu’elles n’achètent que des produits élaborés, plus chers et moins bons pour la santé. Nous leur montrons que les produits bruts sont bons et faciles à préparer.

Dans vos formations, revenez-vous sur la question : qu’est-ce que manger ?

Tout à fait, on ne fait pas que traiter de l’aliment et de sa transformation. Nous sensibilisons également à l’acte d’achat notamment, aux notions de local et de bassin de production, de saisonnalité…Avant de passer par l’atelier cuisine, les participants sont conviés à une visite pédagogique. Nous expliquons aux visiteurs l’origine du produit, sa production et sa commercialisation.

Y a-t-il un travail de professionnalisation dans le MIN ? Qui fait cette pédagogie ? Est-ce là un nouveau poste ?

Non, il n’y a pas de nouveaux postes. Faire visiter les MIN c’est compliqué. Pour rentrer chez les grossistes, il faut des professionnels, il faut de la confiance. Nous avons la chance d’avoir quelques retraités pour faire ces visites, regroupés au sein d’une association. Parmi les retraités animateurs de la cuisine, nous avons le président de l’association.

Quelles compétences développe-t-on dans ces projets ?

Les projets que nous avons menés sont toujours sur le mode coopératif. Même si chacun a ses spécificités, nous nous retrouvons autour de questions et d’enjeux partagés. Travailler en coopération nous aide à mieux comprendre ce que font les autres. Avec les autres MIN, nous faisons à peu de chose près le même constat : mêmes difficultés, mêmes enjeux, etc.

À la Fédération Française des MIN, nous avons créé des groupes de travail thématiques qui permettent la richesse de la réflexion collective, même si les solutions se déclinent en fonction des spécificités locales. Par exemple, nous avons un projet d’association de producteurs pour que ces derniers puissent revenir vendre directement dans le MIN, car il nous semble important qu’ils soient présents ici. Le MIN initie les projets, mais ne les pilote pas. Le MIN coordonne toutes ces initiatives avec deux personnes, en s’appuyant notamment sur des associations supports. Il y a eu une facilité à s’intégrer dans un réseau d’acteurs constitué de personnes volontaires. Il y a besoin d’avoir recours à des “sachants” au cours du montage des projets (réalisation d’études).

DÉCRYPTAGE DE LA MANIÈRE DE FAIRE DU MIN :

Initier les projets, créer les conditions, orchestrer les compétences pour que les solutions adaptées émergent.

Une structure juridique qui favorise le partenariat et la coopération : le MIN est une société d’économie mixte. Il a donc dans son conseil d’administration, des acteurs publics et des acteurs privés. Ce qui a permis à ses agents de développer des capacités de dialogue, d’écoute, de coopération avec une diversité d’acteurs.

Une proximité, une écoute des besoins des usagers : la présence sur le terrain chaque matin, à l’écoute des grossistes, des commerçants, des restaurateurs… plonge dans la réalité quotidienne des usagers et bénéficiaires du MIN. Les besoins (organisation, norme, inscription dans le DD, diversification du marché…), sont révélés par cette démarche attentive.

La connaissance des métiers, des acteurs institutionnels et privés à mobiliser : le MIN se situe à l’interface de plusieurs métiers, qu’il connaît bien. Ce qui facilite l’identification des partenaires, l’agencement de compétences, pour des propositions adaptées.

L’animation d’un dialogue opérationnel : le rôle de coordinateur du MIN est une compétence qui est mise au service des opérateurs économiques publics et privés. L’animation du dialogue est indispensable pour proposer un projet collectif le mieux adapté à tous. Le montage du projet permet notamment d’identifier le porteur de projet, les acteurs à associer, ainsi que la forme d’organisation et la forme juridique les plus adaptées (GIE, association, SCIC) pour faire vivre le projet de manière pérenne.

À travers l’impulsion de projets aux dimensions économiques, sociales et environnementales innovantes, s’appuyant sur des logiques de coopération multi-partenaires, le MIN enrichit son offre de services et contribue à prendre en charge de nouveaux enjeux. Ces nouvelles activités répondent à des besoins de clients du MIN et permettent même à ces derniers de s’inscrire dans la construction de nouvelles réponses pour un modèle économique viable.

LE MIN EN CHIFFRES

  • 180 000 tonnes de produits écoulés par an
  • 50 grossistes
  • 500 salariés environ
  • 2 000 commerces qui viennent acheter des produits,
  • 1 000 qui se font livrer

>>> Découvrez la publication sur les systèmes alimentaires territoriaux

    Objectifs de développement durable

  • 12. Consommation et production responsables
  • 2. Faim « zéro »
  • 9. Industrie, innovation et infrastructure

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