Mis à jour le 12 mai 2021

L’entreprise Greenflex est chargée par les pouvoirs publics de promouvoir dans notre pays un mode de rénovation énergétique industrialisée pour en démocratiser l’accès au plus grand nombre. Des bailleurs sociaux des Hauts-de-France ont accepté de l'expérimenter !

Analyse de l'initiative

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Chaniter à HEM © Energiesprong International

Ça ressemble presque à une recette de cuisine... Pour produire une habitation "zéro énergie", il vous faut un bâtiment d’architecture relativement simple, des blocs-murs préfabriqués en usine à partir d'un scannage 3D des façades, des systèmes de chauffage et de ventilation intelligents. Posez vos parois percées d'ouvrants et emplies d'isolant sur l'extérieur de l'immeuble, pour former une sorte de manteau pour rhabiller ces passoires énergétiques.

Équipez les de systèmes de production de chauffage et d’eau chaude à base d’énergies renouvelables. Installez les équipements solaires générateurs d'électricité sur la toiture, dûment isolée elle aussi. Temps d'exécution (si les opérations sont bien optimisées) : une semaine ! Coût : élevé pour les premiers démonstrateurs, mais en voie de réduction…

Les économies comme levier

Cette approche de rénovation énergétique des logements, ouverte à tous les professionnels intéressés, s'appelle "EnergieSprong". Elle a été mise au point aux Pays-Bas au début de la décennie et a déjà été employée avec succès là-bas sur 5 000 logements locatifs sociaux ; 10 000 autres devraient être traités de la même manière ces prochaines années. A chaque programme, sont engrangées des améliorations techniques. Sur le plan financier, l'équation est basée sur la mobilisation des économies d'énergie, de charges et la revente d’énergies renouvelables pour alléger le coût des travaux : les occupant·es des logements, dont la consommation d'énergie est nulle après rénovation, règlent une contribution à l'organisme propriétaire qui peut ainsi investir dans ses chantiers tout en garantissant une baisse de charges aux ménages.

L'industrialisation poussée de la préfabrication, des méthodes LEAN, l'utilisation du numérique et la bonne coordination des interventions participent aussi à la baisse de la dépense. Ainsi, partant de 145 000 €, l'addition par logement est descendue à 70 000 € aux Pays-Bas, ce qui équilibre le bilan financier des opérations en coût global sans besoin de subvention publique et sans même considérer l’évolution positive de la valeur verte du logement.

Beaucoup de projets, moins chers

Sébastien Delpont GreenFlex
Sébastien Delpont GreenFlex © myral-pro.com

En 2015, la commission européenne, séduite par ce procédé "à forte valeur ajoutée écologique et sociale", a voulu le promouvoir au-delà de son berceau néerlandais, à travers ses programmes Interreg North-West Europe et "Horizon 2020". La société GreenFlex a été désignée pour adapter cette approche EnergieSprong dans notre pays.

La situation de départ pouvait paraître peu favorable : des freins réglementaires, un secteur du BTP relativement peu engagé dans sa numérisation et en retard sur les gains de productivité, un marché partagé entre des réalisations exemplaires sans beaucoup de suites et une majorité de rénovations à faibles impacts... "Il fallait trouver les voies et moyens pour faire beaucoup de projets très ambitieux moins chers", résume Sébastien Delpont, directeur de l'équipe Ville durable chez GreenFlex. Le but est d’atteindre 10 à 20 % du marché de la réhabilitation énergétique, qui concerne des millions de passoires thermiques.

Zéro énergie pendant 30 ans

Comme aux Pays-Bas, l’équipe de facilitateurs d’intérêt général d’EnergieSprong s'est d'abord adressée aux bailleurs sociaux. Elle s'est efforcée de rapprocher leurs besoins de rénovation, forcément massifs, avec les capacités à faire et les jeux de contraintes des architectes, des bureaux d’études, des entreprises de construction, des mainteneurs, des industriels des matériaux de construction... Ont aussi été invités dans la boucle, bien sûr : les acteurs du financement et les pouvoirs publics, nationaux et locaux.

"A tous ces acteurs de la chaîne de valeur, nous avons demandé à quelles conditions (nombre de logements, typologie de bâti, cadencement des chantiers, soutien en méthode…) ils pourraient atteindre ces niveaux de prix et de performance, expose Sébastien Delpont. Et non pas de combien il fallait raboter les objectifs énergétiques pour rentrer dans le budget du propriétaire !". Le saut à accomplir tenait en quatre points : garantir une consommation énergétique nulle sur 30 ans, financer les rénovations sur les économies, les boucler en une semaine en sites occupés... "Et faire du beau, du confortable, de l'attractif, en intégrant par exemple des travaux d'isolation phonique ou d'adaptation au vieillissement", indique le directeur associé de GreenFlex.

Comme Renault et ses Clio

"L'idée, c'est de passer du sur-mesure au prêt-à-porter, poursuit Sébastien Delpont. Actuellement, tous les opérateurs ont leurs propres cahiers des charges, "leur" chaudière, "leur" modèle de façade. Il faut minorer cette part spécifique et uniformiser autant que possible les niveaux d’ambitions". On ne peut plus avoir 100 niveaux de spécifications énergétiques pour 100 bâtiments mais on doit se restreindre à 3 niveaux (-20%, -50% et -100%) comme on l’a fait pour standardiser les tailles de nos vêtements en S / M / L et ainsi faire des vêtements prêts à porter avec des prix maîtrisés mais sans pour autant uniformiser leur aspect esthétique.

Les acteurs de la rénovation doivent aussi sortir d'une posture d'attente du client, devenir force de proposition, adopter une logique de catalogue, estime-t-il. "Enfin, ils doivent avoir une vision prospective et anticiper le point d'équilibre économique au regard des volumes. Renault n'a pas gagné d'argent dès la première Clio vendue. Il faut accepter que les projets de rénovation soient un peu déficitaires pendant un certain temps, jusqu'à ce que l'effet de masse efface ces pertes", un modèle d’affaire qui est déjà celui de fabricants de fenêtres ou de charpentiers qui sont les fournisseurs de rang 1 des entreprises de BTP et qui rentabilisent leurs investissements industriels sur plusieurs années et non sur leur premier projet. Mais il faut pour cela que les banques accompagnent avec des solutions de financement adaptées ces mutations industrielles, qu’un soutien à l’amorçage des pouvoirs publics puisse l’accompagner vertueusement pour faire émerger ces filières très créatrices d’emplois locaux.

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Chantier à HEM © Energiesprong International

Le premier programme à Hem

A ce jour, 15 bailleurs, 90 entreprises et 15 organismes facilitateurs ont signé une charte d'engagement dans la démarche EnergieSprong (2016 - 2023), portant sur un total de 6 600 logements. Les premières opérations ont bénéficié d’un soutien à 60% de l’Union européenne. Les Hauts-de-France ont été terre-pilote dès 2018 : Vilogia a ainsi rénové dix de ses maisons à Hem dans le Nord (avec Rabot-Dutilleul Construction, Pouchain les BET Nortec, Symoé et Redcat architectes), puis ICF Nord-Est en a requalifié douze à Longueau dans la Somme. Les chantiers ont coûté cher (respectivement par habitation 130 000 € sur le premier projet et 110 000 € sur le deuxième) et ont duré un peu plus longtemps qu'espéré. Mais de projet en projet, avec l’effet d’expérience, la créativité des entreprises et l’augmentation des volumes : les prix baissent. Vilogia a débuté en 2020 un nouveau programme de réhabilitation EnergieSprong de cent soixante maisons à Wattrelos, avec un objectif de coût unitaire de 90 000 €.

Rénovation à énergie zéro de 160 maisons à Wattrelos - Vilogia

Durée: 01:52

Rénover entièrement une maison énergivore en 3 semaines, c’est le pari que s’est lancé Vilogia à Wattrelos. 160 maisons seront métamorphosées en logements à énergie zéro en un temps record. C’est-à-dire qu’elles produiront autant d’énergie qu’elles en consommeront pour les 25 prochaines années. C’est la révolution EnergieSprong !

Passage au collectif

Depuis 2019, l’équipe de GreenFlex est chargée par l’État de diffuser l’approche EnergieSprong dans toutes les régions françaises, au titre du programme des certificats d'économie d'énergie. "La région est la bonne échelle car il faut tenir compte du climat local, des typologies architecturales des logements, des réseaux d'entreprises", remarque Sébastien Delpont. Un nouveau soutien de l'Union européenne, à travers le projet Interreg Europe du Nord Ouest "Must be zero", va permettre d'expérimenter la méthode sur des immeubles collectifs.

Encore une fois, notre région ouvrira la voie : des chantiers pionniers seront bientôt engagés par les bailleurs Notre Logis à Halluin et Vilogia à Roubaix (avec 25 % de crédits européens). La démarche se consolide donc pas à pas, en démarrant par le logement social. "C'est le coureur échappé qui fait avancer le peloton plus vite", explique Sébastien Delpont.

Afin d'accompagner cette dynamique régionale, l’Union Régionale pour l'Habitat (URH) Hauts-de-France et ses partenaires Région Hauts-de-France – REV3, EnergieSprong et l’ADEME ont souhaité sensibiliser l’ensemble des organismes Hlm. Deux réunions d’information ont eu lieu en 2019 pour expliquer la démarche de l'équipe EnergieSprong visant à réaliser des études de faisabilité sur le patrimoine des bailleurs sociaux volontaires.

En parallèle, le responsable de GreenFlex l'affirme : EnergieSprong a vocation à pénétrer d'autres segments du marché du bâtiment. Gagner beaucoup d'autres étapes et faire accélérer le Grupetto, passer les difficiles cols Alpins pour arriver à baisser les coûts de ces rénovations et que rénover à zéro énergie devienne une passion française aussi populaire et accessible que le fait de pédaler, en somme...

Lancement du club Énergie sprong

En partenariat avec Energeia, Pôlénergie, FIBOIS Hauts-de-France et le C2DE, EnergieSprong a aussi lancé en septembre 2020 le Club EnergieSprong Hauts-de-France.

Son objectif: rassembler des entreprises régionales qui veulent monter en compétence collectivement, s’informer, se former, et structurer des groupements pour participer à la rénovation énergétique des bâtiments et en particulier des rénovations à énergie zéro garantie pour contribuer à la massification de ce marché en Hauts-de-France.

Fiche d’identité

  • Titre exact de l'opération : Energiesprong - Expérimentation Rénovation massifiée - Hauts de France
  • Lieu/Echelle de l’action : Territoire régional
  • Identification du porteur de projet : GREENFLEX
  • Contacts :
    • Marie Sylvie BERTAIL, Directrice GREENFLEX
    • Sébastien DELPONT, Directeur EnergieSprong France
    • 7/11 boulevard Haussmann - 75009 PARIS
    • energiesprong@greenflex.com
  • Partenaires : ADEME, Conseil régional Hauts-de-France
  • Montant de l’opération : 782 550 € HT
  • Indicateur à retenir : Performance thermique de la rénovation finale, coût de la rénovation industrialisée ?
  • Financement FRAMEE : 50 000 € HT soit 6 %
  • Date de l’opération : Année 2018
  • Durée de l’opération : 6 mois
  • Bénéficiaires/cibles de l’action : Habitants de la région Hauts-de-France

En savoir plus 

    Objectifs de développement durable

  • 11. Villes et communautés durables
  • 7. Énergie propre et d'un coût abordable
  • 9. Industrie, innovation et infrastructure

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