Mis à jour le 11 mars 2024

Omniprésents dans notre quotidien, les plastiques le sont aussi dans l’environnement. Mel Constant, ingénieur de recherche à l’IMT Nord Europe, nous éclaire sur l’ampleur de cette pollution. Conscients de cette réalité, des territoires s’engagent et nous inspirent : c’est le cas de la commune du Portel, dans le Pas-de-Calais. Rencontre avec Pierre Coppin et Marion Darcy.

100 ans pour une bouteille en plastique, 400 ans pour un sac en plastique… : c’est le temps qu’il faut à ces objets pour se dégrader dans la nature. Ces chiffres nous sont régulièrement rappelés et ancrent dans nos esprits l’image d’un plastique dont le caractère peu dégradable est nocif pour l’environnement. Mel Constant, ingénieur de recherche à l’IMT (institut Mines-Télécom) Nord Europe, nous indique que, malgré leur réputation de « quasi-éternels », ces matériaux se dégradent bel et bien sous l’effet des UV, de la température ou encore des agressions mécaniques qu’ils subissent. Le résultat de cette dégradation, ce sont des particules de plastique de tailles, formes et densités variables à l'origine d’une pollution plastique qui contamine tous les milieux de l’environnement.

Découverte dans les années 2000 dans les océans, cette pollution fait l’objet de nombreuses recherches universitaires visant notamment à :

  • Estimer la quantité de plastiques dans l’environnement (océans, rivières, sols, sédiments, atmosphère…) et comprendre les flux existants ;
  • Comprendre l’impact des plastiques sur les organismes (y compris sur l’humain) ;
  • Faire le lien entre les quantités produites et les impacts actuels ou à venir.

L'ingénieur de recherche met en avant l’ampleur géographique et temporelle de cette pollution : on retrouve des plastiques des sommets de l’Himalaya jusqu'aux fonds marins, mais aussi dans nos organismes. Même avec un arrêt immédiat de la production, la pollution liée aux fragments plastiques continuerait à augmenter, alimentée par la dégradation des éléments déjà dispersés dans l’environnement.

« À ce jour, on ne trouve plus de sites vierges en pollution plastique », indique Mel Constant.

Ce constat illustre tout l’importance de la prévention. D’autant que la dépollution semble quasi-impossible. Dans les océans, les expérimentations de collecte de macrodéchets semblent dérisoires face à l’augmentation de la production. Plus proche de nous, la pose de filets pour capter les plastiques en rivière ne semble pas concluante car le mix « microplastique / végétaux » récupéré n’est pas valorisable et ces barrières peuvent être néfastes pour la biodiversité des cours d’eau.

carte Le Portel © Mes Voisines

La prévention, c’est justement le sujet dont se sont saisis, au Portel, Pierre Coppin, adjoint au maire chargé de l’enseignement et du développement durable, et Marion Darcy, animatrice environnement et coordinatrice développement durable. Direction la côte d’Opale pour faire le plein d’air marin et d’inspiration.

Au Portel, la mer n’est jamais à plus de 1,2 km à vol d’oiseau. Le littoral et la plage sont naturellement le cœur de la commune qui rassemblent élu·es et habitant·es. La mairie s’attache donc à préserver cet environnement, lieu de vie d’une biodiversité unique.

Temps fort de cet engagement : l’année 2014 avec l’élection d’Olivier Barbarin en tant que maire. Dès le début de son mandat il entame la rédaction d’un Agenda 21 à l’échelle de la commune, définissant un plan d’action sur 5 ans pour « penser global » et « agir local ». Ce document devient le livre de chevet de Pierre Coppin qui pilote la mise en place des actions. En 2020, Olivier Barbarin et son équipe sont réélus et un second Agenda 21 est rédigé pour la période 2020 – 2026 afin de poursuivre les actions menées depuis 2014.

Les mots d’ordres : « sensibilisation » et « action »

Bien que la compétence « déchets » de la commune ait été transférée à la Communauté d’agglomération du Boulonnais (CAB), la mairie du Portel a choisi de mener, elle aussi, des actions de sensibilisation. Par exemple, via l’édition du guide éco-citoyen qui rappelle à chacun·e les bons gestes à adopter dans la nature et à la maison. Énergie, recyclage, transports… tous les sujets sont abordés.

Des actions sont également menées auprès des scolaires : les deux animateur·rices environnement de la Ville interviennent deux à trois fois par an devant chacune des classes de la commune (de la maternelle au collège) pour des opérations de sensibilisation, notamment sur la mise en place du tri sélectif. À ce jour, ce geste de tri est appliqué dans les trois écoles primaires et les quatre maternelles de la ville.

« Il faut expliquer pourquoi nous menons ces actions si nous voulons que les gens participent », Pierre Coppin.

Autre public, autres éléments de communication et de sensibilisation : une attention particulière est adressée aux usager·ères de la plage, locaux ou touristes, pour lutter contre le fléau que sont les mégots de cigarette. Dans ce cadre, le Portel distribue des cendriers en papier et organise des concours de ramassage de mégots. En été, lors du pic d’affluence, 14 ambassadeur·rices bénévoles « Ville et plage propre » rappellent que la propreté est l’affaire de tous.tes.

C’est également à ce public que la mairie souhaite s’adresser lors des « découvertes animées » organisées pendant la période estivale ou via les panneaux d’information présentant la laisse de mer : une accumulation, due aux marées, de débris naturels marins (coquillages, algues, …) ou anthropiques (éléments plastiques, filets…). Celle-ci représente une ressource pour la faune de la plage mais peut aussi être un danger du fait des éléments plastiques s’y trouvant.

Dans ce cadre, la commune a mis en place un nettoyage raisonné de la plage. Durant la période estivale, d’avril à septembre, le nettoyage de la plage est effectué à l’aide d’une cribleuse mécanique nécessaire pour faire face aux flux de déchets produits par les touristes. L'excédent d’algue ramassé étant donné aux jardins familiaux (environ 120 jardins). Sur la période hivernale, le nettoyage est réalisé à la main et est assuré par l’association Rivages propres qui s’engage pour la réinsertion de personnes éloignées de l’emploi. La ville invite très régulièrement les écolier·ères à participer à ce nettoyage. « L’association vient avec des chevaux boulonnais et ça plaît beaucoup aux enfants ! », nous dit Marion Darcy.

Le Portel portrait © Mes Voisines
Pierre Coppin et Marion Darcy - Le Portel © Mes Voisines

Charte « Plages sans déchet plastique » et bacs à marée  

Ces opérations de collecte sont aussi l’occasion d’analyser la nature des déchets présents sur la plage. Trois sources principales sont identifiées : l’activité touristique (évoquée précédemment), le port de pêche de Boulogne-sur-Mer et la station d’épuration du Portel. Issus de l’activité de la pêche, des filets, queues de chaluts, bois de palettes et de chantiers sont retrouvés sur la plage aux côtés de déchets types lingettes, relâchés ponctuellement par la station d’épuration lors d’évènements orageux, par exemple. Des larmes de sirènes (perles de plastique pour l’industrie) s’échouent également et confirment les statistiques : au Portel, 80% des déchets marins proviennent de la terre.

Marion Darcy nous précise tout de même qu’une diminution du nombre de déchets issus de la pêche est observée depuis quelques années en lien avec la mise en place de normes pour encadrer cette filière. Concernant la station d’épuration, des études sont en cours pour que celle-ci soit remise aux normes.

À l’heure actuelle, les déchets plastiques affluent toujours sur la plage du Portel au rythme des marées… Pour une plage plus propre, le Portel invite depuis 2016 chaque promeneur·euse à collecter les déchets trouvés sur la plage pour les déposer ensuite dans un bac à marée situé en bord de plage. Plastiques, emballages, verre, métaux, masques, cordages et filets ou encore caoutchouc peuvent y être déposés.

Ces bacs à marée sont vidés par l’association Rivages propres dès que nécessaire. Sur une période de deux mois environ, cela peut représenter jusqu’à 500 kg de déchets. Pour les déchets courants, des poubelles de villes avec tri sélectif sont disponibles sur le front de mer, pour permettre le tri hors-foyer.

Pour formaliser l’engagement de la commune, la charte « Plages sans déchet plastique » a été signée par Pierre Coppin en 2019. Celle-ci a pour objectif de protéger le littoral et sa biodiversité, tout en laissant ces lieux de vie accessibles à tous·tes.

La signature de cette charte est un argument de plus pour mobiliser l’ensemble des acteur·rices gravitant autour de la plage. Les commerçant·es de la commune s’engagent aujourd’hui aux côtés de la mairie en évitant au maximum la distribution d’emballages en plastique. Par ailleurs, les signataires de la charte forment un réseau national propice au partage de retours d’expérience.

Laissons le mot de la fin à Marion Darcy pour illustrer l’énergie des équipes du Portel : « Il est nécessaire d’agir maintenant et globalement. Et pour que cela soit efficace, il faut sensibiliser et communiquer énormément. »

>>> À lire, la publication complète de l'Odema sur le sujet : Déchets ménagers et assimilés en Hauts-de-France : définitions, chiffres clés et témoignages

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