Mis à jour le 6 septembre 2022

La Ville de Carvin et son centre communal d'action sociale (CCAS) ont réuni les acteurs caritatifs locaux autour d'un système d'aide alimentaire rénové, plus lisible, équitable et ouvert à de nouveaux besoins.

JOEL FERRI
Joel FERRI - Directeur territorial chez Ville de Carvin © DR

En avril 2015, les élus de Carvin (17 000 habitants, Pas-de-Calais) ont modifié le règlement intérieur du centre communal d'action sociale. Cela peut apparaître comme un détail mais cela veut dire beaucoup, explique en substance Joël Ferri, directeur de l'organisme. Il emploie même l'expression de "révolution de velours". Après des décennies de fonctionnement classique, basé sur des catégories et des barèmes, le CCAS voulait approcher de plus près la réalité vécue par les bénéficiaires de ses prestations et mieux répondre à des besoins nouveaux, qu'ils viennent de jeunes, de personnes très âgées ou encore de "travailleurs pauvres". Conformément à l'impulsion donnée au mandat municipal par le maire (PS), Philippe Kemel, cette évolution s'inscrit dans un objectif de solidarité fraternelle et dans une culture du pouvoir d'agir citoyen.

"Il s'agit de passer, autant que faire se peut, de l'aide à l'accompagnement, de l'urgence à la prévention et de l'individuel au collectif", résume Joël Ferri.

Trop ou pas assez...

Cette nouvelle ligne a été appliquée en priorité à la distribution des aides alimentaires. Un domaine pavé de bonnes intentions mais non exempt d'écueils et de chausses-trappes. A Carvin comme dans la plupart des communes, le service est assuré par plusieurs associations. Ordinairement, ces différentes actrices agissent chacune de leur côté, sans regard d'ensemble. Dans ce paysage vertical, des habitants se perdent et ne sollicitent pas l'aide à laquelle ils pourraient avoir droit. D'autres, à l'inverse, cumulent plus de dons qu'ils n'en ont besoin. Les bénévoles, par ailleurs sous la pression des commerces qui leur attribuent leurs invendus, ont bien du mal à calculer les parts, à arbitrer les relations, bref à assurer correctement leur mission et souvent, ils en souffrent.

La base du "reste à vivre"

Il fallait sortir de cette confusion. Pour éclairer les esprits, à l'instigation du maire, le CCAS a d'abord emmené ses partenaires associatifs, ainsi que les membres de son conseil d'administration et des représentants d'institutions (CAF, Département), à la découverte du système en vigueur à Issy-les-Moulineaux. Dans cette ville des Hauts-de-Seine, c'est le centre communal d'action sociale qui ouvre des droits à l'aide alimentaire ; les habitants se dirigent ensuite vers l'organisme caritatif de leur choix. De retour de ce voyage, une procédure très similaire a été mise en place à Carvin, pour coordonner et mutualiser l'aide alimentaire, afin de mieux couvrir les besoins. Elle se fonde sur la notion de "reste à vivre", c'est-à-dire l'argent encore disponible quand un ménage a réglé toutes ses charges fixes. Et ce quelle que soit la nature du revenu considéré : prestations sociales, allocations de chômage, pension de retraite ou salaire.

Aide Alimentaire 02 - CARVIN
Aide Alimentaire © Mairie de Carvin

Un conseil des bénévoles

La section locale du Secours populaire français, la banque alimentaire "A la bonne action" et l'épicerie solidaire "Pacte", basée dans la ville voisine de Libercourt, sont partie prenante du nouveau système. Tout commence au CCAS : une conseillère en économie sociale et familiale reçoit les demandeurs et calcule leur reste à vivre, à partir d'un outil informatique simple. Si le besoin est manifeste (un reste à vivre compris entre 6,20 € et 10 € selon les cas), la personne ou la famille se voit accorder un droit à l'aide pour 6 mois et peut s'adresser aux organisations caritatives. Celles-ci ont conservé des barèmes qui leur sont propres. En fonction du montant du reste à vivre, c'est donc telle ou telle association qui fournira l'aide alimentaire. Actuellement, quelque 450 ménages sont concernés. Une charte "pour une solidarité juste et fraternelle" unit la commune et ses partenaires de terrain, tout en préservant l'identité de chacun. Elle a institué un "conseil de bénévoles" qui évalue et ajuste régulièrement le dispositif avec les représentants du centre d'action sociale (6 à 7 réunions par an).

Les besoins mieux couverts

L'initiative carvinoise s'est inscrite dans la dynamique d'un appel à projets du ministère de l'agriculture intitulé "aide alimentaire et précarité". Le ministre Stéphane Le Foll a même visité la commune quand elle a été désignée lauréate en mars 2017. Un apport précieux de 40 000 € pour une ville "classique" du bassin minier, aux moyens limités, à la mesure du potentiel fiscal de la population. 18 mois plus tard, le CCAS tire un bilan positif du dispositif.

"Nous avons repositivé et repositionné la distribution alimentaire comme un droit et non plus comme une demande de dernière extrémité, dont on pouvait avoir honte", assure Joël Ferri, son directeur.

220 nouvelles familles, qui n'y prétendaient pas jusque là, y ont accédé. Parmi elles, on trouve 23 % de salariés modestes, 11 % de retraités et 19 % de chômeurs.

Des prestations complémentaires

L'instruction préalable des dossiers par le CCAS est aussi l'occasion d'un bilan complet de la situation des familles. Ainsi se révèlent des besoins "invisibles" ou tus. Tel habitant peut évoquer des difficultés scolaires de ses enfants ou des problèmes de santé, auxquels l'organisme communal apporte des réponses. 80 % des Carvinois reçus ont sollicité 1 ou 2 prestation(s) en plus de l'aide alimentaire (parmi les services de soins à domicile, de réussite éducative, d'accompagnement vers l'emploi) ou des allocations de l'Etat et du Département. Autant de points marqués dans la lutte contre le non-recours aux droits, indique Joël Ferri ; on estime que 5 milliard € chaque année ne sont pas réclamés par ceux qui en ont le plus besoin. Sur un autre plan, certaines personnes, disposant d'un peu de temps libre, peuvent manifester des envies de bénévolat : elles sont mises en relation avec la médiathèque municipale ou le service qui s'occupe du troisième âge. Plus de 80 de ces "missions citoyennes" ont eu lieu ou sont en cours.

Une démarche reproductible

Sur le socle des secours, le CCAS et les associations ont également développé quelques actions relatives à la qualité de l'alimentation. Des bénéficiaires se sont retrouvés au sein de l'école de consommateurs municipale pour élaborer des hors d’œuvre, des plats et des desserts à partir des produits qui leur avaient été fournis ; les réalisations ont été partagées ensuite. Bientôt peut-être, des fiches-recettes seront établies, qui pourront être remises à tous les usagers. La Ville, pour sa part, a déjà édité des petits mémentos sur les conditions de consommation et de conservation des aliments. Le CCAS de Carvin souscrit à la philosophie de l'open source", caractéristique des Fab Lab et autres ateliers de co-production : il a déjà donné les clés de son expérience à quelques homologues de la région et d'ailleurs. En juin 2018, il a présenté cette initiative particulière de "développement social local" au cours d'un colloque. "Le dispositif technique est une chose mais l'atmosphère qui l'entoure est première, souligne toutefois Joël Ferri. Une telle démarche de coopération et de régulation ne peut réussir que dans un climat général de bienveillance".

Fiche identité

• Sujet : CCAS de la Ville de Carvin
• Action évoquée dans la fiche : coordination et régulation de la distribution alimentaire d'urgence.
• Partenaires : Etat (DRJSCS, DRAAF), SPF, Banque alimentaire "A la bonne action", Épicerie solidaire "Pacte 62", Union Départementale des CCAS du Pas-de-Calais
• Ressources : http://www.carvin.fr/carvinfr/actualites/carvin-la-nouvelle/209/la-solidarite-pour-tous.html

Contact

Joël Ferri - Téléphone : 03.21.74.76.07
Courriel : joel.ferri@carvin.fr

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