Mis à jour le 9 avril 2024

Le changement climatique va modifier les arrivées d'eau dans tout le secteur des polders du triangle Calais – Saint-Omer – Dunkerque. Ses effets sont d’ailleurs déjà visibles. Afin de permettre aux habitant·es de mieux comprendre comment les flux d'eau sont contrôlés par l'Homme, des itinéraires ont été balisés sur le territoire poldérisé.

 

La zone de 100 000 hectares que constitue le delta de l'Aa est un polder, une zone de terre gagnée sur la mer, située sous son niveau (à marée haute). Grâce à un ensemble de voies d'eau connectées entre elles, on y mène « une lutte perpétuelle contre la mer et les eaux qui arrivent de derrière », explique Xavier Chelkowski, écologue, directeur d'études Résilience et adaptation au changement climatique au sein de l'agence d'urbanisme et de développement Flandre-Dunkerque (AGUR).

Avec le changement climatique, la donne va changer. Les projections à l'horizon 2050 permettent d'estimer une élévation du niveau de la mer de plus de 30 cm et en hiver jusqu'à 19% de pluies supplémentaires, dont des pluies extrêmes plus intenses. En été, une diminution des pluies d'au moins 11% est attendue (sources : étude prospective dans le cadre du PAPI de l'Aa).

Concrètement, cela signifiera davantage d'eau à évacuer en hiver dans une mer plus haute, et moins d'eau de surface l'été pour la vie et l'activité de chacun... Il va falloir s'adapter ! « Il n'y a pas de dépoldérisation possible sur notre zone de grandes industries. Avec deux grands ports, il nous faut déterminer les solutions à mettre en œuvre si le niveau de la mer s’élève de 1, 2 ou 3 mètres, comme le font les flamands », indique le directeur d’études.

Un réseau entretenu depuis 1000 ans

Le réseau de wateringues a été creusé au XIIème siècle par les comtes de Flandres pour permettre l'assèchement des parcelles. Évidemment, tout a été modernisé depuis, mais le principe est inchangé : à marée haute, les portes sont fermées pour empêcher la mer d’envahir les terres, le réseau hydraulique monte en charge. À marée basse, les portes sont ouvertes... Lorsqu'il y a des crues, des stations de pompage (en tout une centaine) relèvent les eaux dans les canaux puis vers la mer, comme le faisaient autrefois les moulins à vent ! Elles ont été installées dans les années 1970.

« C'est tout un réseau, explique l'écologue, qui relève de diverses compétences. Les watergangs, qui assèchent le territoire, sont entretenues par des associations appelées sections de wateringues, les canaux par les Voies navigables de France, les ouvrages d’évacuation à la mer situés dans les exutoires relèvent de la compétence de l'Institution intercommunale des wateringues. Nous sommes aussi parfois amenés à collaborer avec nos voisins flamands, car les canaux de Furnes et de la Basse-Colme sont transfrontaliers. Et il peut arriver que l'on inverse le sens d'écoulement de l'eau, tant c'est plat à cet endroit ! »

Le tout est totalement automatisé, piloté par informatique, et des sondes mesurent le niveau de l'eau. « Toutefois l’Institution intercommunale des wateringues peut toujours reprendre la main en cas d'aléas techniques », assure Xavier Chelkowski.

>>> Pour en savoir plus, écoutez le podcast du Cerdd Histoire(s) de s’adapter” - épisode 2 « Inondations : les Hauts-de-France sous les eaux »

Désartificialiser les sols

Depuis 2016, les acteur·ices du territoire – six intercommunalités, 104 communes regroupées au sein de l'Institution intercommunale des wateringues – sont engagé·es dans un programme d’actions de prévention des inondations (PAPI). L'objectif est notamment de réduire les conséquences négatives des inondations sur la population, les logements, les activités économiques et l’environnement. Ce plan a d’ores-et-déjà permis de mener de nombreuses actions pour remettre à niveau certains ouvrages de protection (digues, stations de pompage…) et ainsi diminuer la vulnérabilité du polder. Au total, près de 39 millions d’euros ont été investis dans la défense du delta de l’Aa sur la période 2016-2024.

Dans ce PAPI, une étude prospective est en cours avec pour objectif de fixer la stratégie d'adaptation du territoire, ligne directrice d'un second PAPI à l'horizon 2025. « Il va nous falloir réapprendre à vivre avec l'eau », commente Xavier Chelkowski. Nous adapter, cela veut dire désimperméabiliser au maximum notre territoire, pour permettre à l'eau de s'infiltrer dans le sol au lieu d'arriver dans les ouvrages ». En milieu urbain, cela concerne la désartificialisation des terres en général, y compris les entrées de garage ! 

En milieu agricole, c'est plus complexe, cela suppose un profond changement d'habitudes : adopter des techniques culturales d'agroécologie, limiter le ruissellement, choisir des variétés mieux adaptées, développer la biodiversité. Différents secteurs agricoles, notamment les pieds de côteaux, sont particulièrement sensibles aux inondations et pourraient être renaturés afin d’y aménager des zones d'expansion de crues. « Nous avons eu une concertation ciblée avec les agriculteur·ices début 2023, pour étudier le devenir des territoires, explique l'écologue. La profession agricole préfèrerait qu'on rajoute des stations de pompage plutôt que de renaturer. Mais sur le long terme cela pourrait être beaucoup plus coûteux. Il nous faudrait une véritable analyse coût-bénéfice. En fait, nous n'avons pas vraiment le choix même si le changement, c'est difficile... »

Six itinéraires... pour l'instant !

balade_livret © Véronique Bourfe-Rivière
Livret sur le patrimoine des wateringues. © Véronique Bourfe-Rivière

Dans le premier volet du PAPI de 2016, il a été prévu d'acculturer la population. Il est en effet essentiel que les habitant·es des wateringues comprennent la spécificité de leur territoire et comment il fonctionne... pour mieux accepter les changements nécessaires. « Nous voulons les embarquer avec nous sur l'adaptation nécessaire, et qu'ils comprennent pourquoi chaque année ils contribuent à l’entretien du réseau par l’intermédiaire d'une taxe GEMAPI  (gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations) de 20 euros par personne en moyenne, commente Xavier Chelkowski. Nous avons voulu aller vers les gens, et leur montrer les choses de façon pédagogique, sans leur faire peur. »

Six itinéraires, baptisés « Polder itinéraire » ont été définis et balisés. Un travail mené par l'Agence d'urbanisme et de développement Flandres-Dunkerque (AGUR) qui a pris deux ans, le temps de se concerter avec les communes, définir les parcours, établir des conventions si une partie des terrains était privée, convaincre les élu·es. De longueur variable (entre 3,5 et 7 km), ils permettent d'illustrer un point technique ou un historique précis : 

  • « Les pieds de côteaux », des territoires très éloignés des exutoires à la mer ;
  • « Le patrimoine des Wateringues » à Bergues, l'un des points de départ de la conquête de l'Homme sur la mer ;
  • « Les côteaux de Socx », retenir et ralentir les ruissellements ;
  • « Mer et littoral » à Dunkerque, faire barrage à la mer et réguler les écoulements des eaux douces ;
  • « La plaine wateringuée » à Coudekerque, comment on gère l'écoulement des eaux en l’absence de pente ;
  • « Les canaux urbains » à Dunkerque, pour prendre conscience de la valeur de l'eau.

Des fiches descriptives et une carte ont été imprimées et sont mises à disposition dans les offices de tourisme et les communes, les cheminements sont balisés. « Les plaquettes sont rééditées régulièrement, parce qu'elles partent très vite. Nous avons formé différents publics susceptibles d'animer les parcours, par exemple à la Halle au sucre de Dunkerque, ils organisent régulièrement des visites, et c'est presque toujours complet ! », se réjouit l'écologue.

Mallette pédagogique et jeux gratuits

En 2024, dix nouveaux Polder itinéraires verront le jour, cette fois sur les secteurs de Calais, Audruicq et Guines, sur les thématiques des inondations et de l'adaptation du territoire aux changements climatiques. Pour décupler l'impact de ses messages, l'AGUR a aussi conçu divers outils, notamment une mallette pédagogique intitulée “La bouée”, qui peut être empruntée gratuitement. Ce projet est, à la connaissance du directeur d’études de l'AGUR, unique. «Certain·es élu·es sont assez moteurs, ils ont fait former leurs collègues et le personnel communal sur le sujet pour pouvoir mieux en parler à leur tour ». Les enseignant·es sont également encouragé·es à se saisir de ces outils, afin de toucher les jeunes générations.

En quoi cette initiative est bonne pour l’adaptation au changement climatique ?

Des choix d'aménagement éclairés, au regard des impacts présents et futurs du changement climatique, grâce à ces outils pédagogiques faciliteront une infiltration et une rétention de l'eau à la parcelle, au lieu d'aller surcharger les wateringues. Des actions privilégiant une gestion systémique des enjeux et la préservation des écosystèmes permettront de limiter le risque inondation sur le territoire.

Le projet en bref

Contact :
Xavier Chelkowski
AGUR, Halle aux sucres
môle 1, 9003 route du quai Freycinet 3
59140 Dunkerque
tél. : 03 28 58 06 30
x.chelkowski@agur-dunkerque.org

Institution intercommunale des wateringues
2 bd Pierre Guillain, BP40373 62500 Saint-Omer

Bénéficiaires : l'ensemble des habitant·es du secteur

Site des polder itinéraires : https://www.agur-dunkerque.org/excellence-territoriale-994/-resilience-et-adaptation-1001/polder-itineraire-a-la-decouverte-de-la-gestion-de-l-eau-en-flandre-maritime-billet-5300.html

Site de la médiathèque Delta de l'Aa 2050 : https://www.delta-aa-2050.fr

Financement du 1er PAPI : 39 millions € portés par l'État, la Région, l'Agence de l'eau Artois-Picardie, les EPCI

Vidéo d'explication des wateringues : https://www.youtube.com/watch?v=o4F0gB71ijA&t=104s

Le projet en bref

Bénéficiaires : l'ensemble des habitants du secteur

Site des polder itinéraires : https://www.agur-dunkerque.org/excellence-territoriale-994/-resilience-et-adaptation-1001/polder-itineraire-a-la-decouverte-de-la-gestion-de-l-eau-en-flandre-maritime-billet-5300.html

Site de la médiathèque Delta de l'Aa 2050 : https://www.delta-aa-2050.fr

Financement du 1er PAPI : 39 millions € portés par l'Etat, la Région, l'Agence de l'eau Artois-Picardie, les EPCI)

Vidéo d'explication des wateringues : https://www.youtube.com/watch?v=o4F0gB71ijA&t=104s

    Objectifs de développement durable

  • 11. Villes et communautés durables
  • 13. Lutte contre le changement climatique
  • 4. Éducation de qualité
  • 9. Industrie, innovation et infrastructure

Contact

Xavier Chelkowski
AGUR, Halle aux sucres
môle 1, 9003 route du quai Freycinet 3
59140 Dunkerque
tél. : 03 28 58 06 30
x.chelkowski@agur-dunkerque.org

Institution intercommunale des wateringues
2 bd Pierre Guillain, BP40373 62500 Saint-Omer

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