Communauté urbaine de Dunkerque : une politique de sobriété de la ressource en eau potable et des tarifs sociaux et solidaires
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- récit
La Communauté urbaine de Dunkerque (CUD) a été, dès 2012, l’une des premières à appliquer la loi Brottes sur la tarification solidaire de l’eau et l’interdiction des coupures d’eau pour impayés. La collectivité accompagne désormais un dispositif de sensibilisation à la préservation de la ressource en eau auprès de ses usager·ères.
Le projet en bref
Objectifs de développement durable
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L’agglomération de Dunkerque, centre urbain et industriel de près de 192 000 habitant·es, est située sur une plaine maritime, le polder. Cette étendue gagnée sur la mer se situe, en fonction des marées, en dessous, au-dessus ou au niveau de la mer, et ce jusqu’à une dizaine de kilomètres à l’intérieur de ses terres. Elle doit donc faire face à une triple problématique concernant sa ressource en eau : éviter le risque de submersion, drainer les eaux de ses canaux vers la mer et s’approvisionner en eau potable hors de son territoire. En raison d’un sous-sol sableux dépourvu de nappes phréatiques, la CUD effectue ses prélèvements dans la nappe de la craie dans l’Audomarois.
Conscient de cette dépendance, le Syndicat de l'eau du Dunkerquois (SED) décide en 1973 de sécuriser l’alimentation en eau potable en mettant en place un procédé de réinfiltration dans l’aquifère de l’eau de surface. Cette solution est consolidée par un suivi quantitatif de la nappe exploitée afin d’assurer l’équilibre de l’hydrosystème local. Ces contraintes ont amené la CUD à déployer, depuis une quarantaine d’années, une politique d’accès à l’eau potable sobre et solidaire.
Un enjeu écologique et solidaire
La Communauté urbaine de Dunkerque fut l’une des premières intercommunalités à adopter la tarification éco-solidaire (T.E.S) pour les 99 203 abonné·es domestiques (hors collectivités locales et industries). Mise en place depuis 2012, son but est d’inciter à mieux consommer l’eau potable et contribuer ainsi au maintien de l’équilibre de la ressource en eau sur le territoire. La T.E.S répond également au principe législatif d’accès à l’eau pour tous·tes.
Les deux critères retenus pour établir cette tarification sont celui de la progressivité du prix de l’eau pour le volet sobriété et la prise en compte du dispositif national de la Complémentaire santé solidaire pour le volet social avec la volonté d’intégrer la modulation du tarif en fonction de la composition du foyer. La T.E.S compte trois tranches de tarification basée sur la consommation annuelle :
- l’eau dite « essentielle », qui correspond aux premiers 80 m³ d’eau consommée, satisfait les besoins vitaux alimentaires et d’hygiène ;
- l’eau « utile », entre 80 et 120 m³ d’eau consommée, répond aux besoins de la vie courante ;
- l’eau de « confort » correspond à une consommation d’eau supérieure à 200 m³.
Afin de garantir aux foyers les plus fragiles un prix préférentiel pour l’accès à l’eau, les personnes éligibles à la Complémentaire santé solidaire (CSS) bénéficient d’un tarif de 0,49 € TTC/m³. Cette tarification ne s’applique que pour l’eau « essentielle », l’objectif étant d’inciter les usager·ères à rester dans cette première tranche.
- La tarification hors bénéficiaires de la CSS est progressive selon le volume consommé :
1,28 € TTC/m³ (au 1er janvier 2022) pour la première tranche des besoins essentiels. Ce tarif concerne 55% des foyers ; - 2,30 € TTC/m³ pour les foyers consommant entre 80 et 120 m3, soit environ 44 % des foyers concernés ;
- 3,10 € TTC/m³ pour les foyers consommant plus de 200m3.
De nouveaux compteurs pour ajuster sa consommation d’eau
Le Syndicat de l’eau du Dunkerquois a équipé tous·tes ses usager·ères domestiques et professionnel·les d’un système de télé-relève des compteurs. Le déploiement des compteurs connectés auprès des 99 203 abonné·es – soit 91 538 particuliers, 897 collectivités et 6 768 professionnel·les – est en cours de finalisation. Ce dispositif permet à chaque usager·ère de suivre ses consommations en temps réel, et d’ajuster ses usages pour plus de sobriété et donc de gains de pouvoir d’achat.
Pour les familles nombreuses, la mise en place d’un « chèque eau » de 12 euros par personne à partir du 6ème membre avait été testée. Cette expérimentation a été abandonnée en 2018 en raison de la faible proportion des familles sollicitant cette réduction et avec l’objectif de proposer une tarification modulée suivant la composition du foyer de manière automatique. Une démarche auprès de la CAF et de la CPAM, organismes maîtrisant ces données, a été entreprise par le SED pour que la composition familiale des foyers, notamment les familles nombreuses, soit connue de leurs services et prise en compte dans la tarification de l’eau. L’évolution récente de la réglementation devra permettre très prochainement d’intégrer cette modulation garante de l’équité tarifaire.
Encourager les comportements éco-responsables
Au-delà de la fourniture en eau potable, la CUD porte également un programme global « éco-gagnant » mis en place en 2020 sur les thématiques de la mobilité, des déchets et des économies d’énergie. Le quatrième axe porte sur la thématique de l’eau avec notamment le dispositif « Récup’Eau », qui propose aux citoyen·nes de récupérer et gérer les eaux de pluie sur leur terrain.
Le changement climatique provoquant une fréquence accrue des périodes de sécheresse et des épisodes pluviométriques intenses, Récup’Eau invite les habitant·es à faire des réserves d’eau de pluie à utiliser quand elle se fait plus rare, conjuguant ainsi des avantages écologiques et économiques.
Trois aides au changement de comportement sont proposées aux propriétaires et locataires de logements situés sur le territoire de la CUD, ainsi qu’aux jardins partagés :
- une aide à l’acquisition s’échelonnant entre 25 euros pour un récupérateur d’eau de pluie de 200 à 300 litres et 65 euros pour un volume supérieur à 600 litres, dans la limite de deux équipements par foyer ;
- une aide forfaitaire de 300 euros à la réalisation d’une étude d’opportunité et de faisabilité de récupération des eaux de pluie et de gestion de ces dernières sur la parcelle pour les logements construits avant mars 2017 ;
- une subvention maximale de 2500 euros correspondant à 80% du montant des travaux liés à l’infiltration et au stockage enterré des eaux de pluie.
Consommation d’eau en baisse
Depuis le début de l’opération Récup’Eau en 2022, 437 récupérateurs d’un volume de 200 à 300 litres ont été financés par la CUD, 328 pour une contenance de 301 à 600 litres et 84 de plus de 600 litres, soit un total de 1 050 récupérateurs installés en deux ans dans les communes de Dunkerque (35 %), Coudekerque Branche (18 %) et Téteghem Coudekerque Village (9,5 %), les 37,5 % restants étant répartis sur les autres communes de la CUD.
« Notre dispositif a été l’élément déclencheur d’achat pour 49% des acheteur·ses dont les motivations sont à la fois écologiques (préservation de la ressource en eau) à 97% et économiques à 92%, précise Rémi Paindavoine, chef du service prescriptions et accompagnement des usagers à la CUD. Nous allons continuer la communication pédagogique auprès des citoyen·nes, et des scolaires. Nous ciblons également les collectivités publiques en leur proposant nos services d’ingénierie afin de les accompagner dans la réduction de leurs consommations d’eau potable, voire dans la substitution par des eaux non-conventionnelles. »
Alors que la consommation moyenne sur le bassin Artois-Picardie est de 85 m³ par an pour une famille de deux adultes et deux enfants et que la référence nationale INSEE est de 120 m³, le dispositif de tarification solidaire de la CUD a permis de diminuer la consommation annuelle d’eau potable par foyer la faisant passer en 10 ans de 82 m³ à 70 m³. 80 % des personnes ont ainsi pu faire des économies ou n’ont pas vu leur facture augmenter, alors que les 20 % plus gros consommateurs ont dû contribuer plus fortement au coût de l’eau.
En quoi cette initiative est bonne pour l’adaptation aux changements climatiques ?
Avec le changement climatique, l’eau en quantité et de bonne qualité se fera de plus en plus rare. Privilégier des usages sobres et le partage de la ressource, anticiper les besoins futurs, améliorer la gestion des eaux pluviales et la protection des milieux naturels comme les sols, sensibiliser l’ensemble des acteur·ices (professionnel·les et collectivités) et les habitant·es sont autant de pistes d’adaptation. Avec sa stratégie globale sur l’eau, la Communauté urbaine de Dunkerque montre une voie efficace vers plus de sobriété tout en veillant à ne pas renforcer les inégalités.
